Lvin, cible des poursuites de l’UPK et du PDK

La plainte déposée par le Parti démocratique du Kurdistan à l’encontre du journal Lvin constitue un danger réel pour la survie du journal. Non content de demander des dommages et intérêts exorbitants, le parti a exigé la fermeture pure et simple du journal. Reporters sans frontières estime que les sanctions réclamées sont disproportionnées et ne reposent sur aucune disposition prévue dans la Loi sur le Journalisme de 2007. Les journalistes, poursuivis pour délits de presse doivent être jugés sur la base de la loi de 2007 et non sur les dispositions du code pénal ou civil. De telles pratiques constituent des entraves importantes à la liberté de la presse dans la région autonome du Kurdistan irakien, d’autant qu’elles s’inscrivent dans un contexte particulièrement délétère pour les journalistes. A l'approche des élections municipales de l'autonome prochain, l'organisation lance un appel à l'ensemble des médias et journalistes travaillant au Kurdistan irakien à rester rigoureux et professionnels, seul moyen de garantir de leurs côtés la liberté d'expression et la liberté de presse. Le 17 mai 2011, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) a déposé trois plaintes, le 17 mai 2011, auprès le tribunal de première instance d’Erbil, contre Ahmed Mira pour publication de fausses informations en vue de nuire à la réputation du parti. Ahmed Mira est visé en tant que propriétaire du journal Lvin, que rédacteur en chef du journal et personne civile, sur la base du Code civil irakien de 1954. Le parti demande un milliard de dinars (605 000 euros) de dommages et intérêts ainsi que la fermeture du magazine Lvin. Il demande également qu'Ahmed Mira, soit interdit de sortir du pays. La plainte fait suite à la publication d’un article publié dans le numéro 160 du magazine, le 1er mai dernier, intitulé « Lvin révèle la planification de l’assassinat de trois leaders de l’opposition par le PDK et l’UPK ». Dans cet article, la journaliste Jiyar Muhammad cite un haut responsable de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) (sans mentionner son identité), selon lequel, les bureaux politiques de l’UPK et du PDK se seraient réunis fin mars, en présence de Massoud Barzani, Président de la région autonome du Kurdistan irakien et président du PDK, et de Jalal Talabani, Président de la République d’Irak et Président de l’UPK. Au cours de cette réunion, ils auraient évoqué la possibilité d’assassiner les leaders des trois partis de l’opposition : Nawsherwan Mustafa, du mouvement Change, Salahadin Bahaddin leader de l’Union islamique et Ali Bapir, leader du Groupe islamique, vu comme seule solution pour mettre un terme au mouvement de protestation pro-démocratique. Le 13 mai dernier, Ahmed Mira, le rédacteur en chef de Lvin, et Jiyar Muhammad, auteure de l'article, étaient ressortis libres du tribunal de Suleimanieh, en échange du versement d’une caution de 4 millions de dinars irakiens (2 420 euros), suite à une plainte déposée, le 7 mai, par Jalal Talabani, sur la base de la Loi sur le Journalisme de 2007, suite à la publication de ce même article. Ahmed Mira a dû verser la somme de trois millions de dinars, tandis que la journaliste a elle été condamnée à payer un million de dinars. Jalal Talabani avait également porté plainte contre la chaîne satellitaire Kurdistan News Network pour avoir jugé le président de la République directement responsable de la répression violente du mouvement de protestation populaire. Reporters sans frontières rappelle que, dans un article publié le 7 mai 2011, Ahmed Mira, avait dénoncé les menaces de mort proférées à son encontre, le 24 avril dernier, par le ministre des Peshmergas, Sheikh Jaafar Mustafa. Ce dernier dément avoir menacé le journaliste, bien que la conversation ait été enregistrée (lire : http://fr.rsf.org/bahrein-les-autorites-des-pays-de-la-09-05-2011,40248.html). En outre, le site d’informations « Ekurd.net », qui est devenu un des sites les plus consultés grâce à sa couverture des événements dans la région, déclare, le 17 mai 2011, faire l’objet d’une attention toute particulière de la part des deux partis de gouvernement. L’équipe du site n’hésite pas à mentionner que certains contributeurs ont été contraints de retirer leurs articles du site, et que d'autres ont été menacés de mort s’ils continuaient leurs activités. Ekurd.net exhorte les autorités du KRG à respecter la liberté d’expression et à prendre les mesures nécessaires pour que ce droit constitutionnel soit respecté. De telles poursuites contre Lvin Magazine et les pressions dont le site d’informations « Ekurd.net » déclare faire l’objet s’inscrivent dans une campagne de répression lancée par les autorités contre les journalistes et les médias qui couvrent le mouvement de protestation populaire qui agite la région autonome du Kurdistan irakien depuis la mi-février. Depuis le 17 février, Reporters sans frontières a recensé :
- 40 cas d’agressions de professionnels de l’information,
- 23 interpellations,
- 2 tentatives d’enlèvement
- 5 cas de journalistes grièvement blessés
- 3 actions en justice
- 4 médias attaqués (Hawlati, NRT, KNN et Payam TV)
Publié le
Updated on 20.01.2016