L'un après l'autre, les journaux de N'Djamena stoppent leur parution sous la pression de la censure

Reporters sans frontières demande aux parlementaires tchadiens de prendre des mesures afin que la presse écrite privée de N'Djamena puisse paraître librement, dans le respect des lois en vigueur avant la proclamation de l'état d'urgence, après avoir constaté que de plus en plus de journaux sont pris dans un engrenage absurde qui les pousse à stopper leur publication. De fait, les habitants de la capitale ne disposent plus désormais que d'une seule source d'information écrite. Le bidhebdomadaire privé N'Djamena Bi-hebdo et l'hebdomadaire privé Le Temps ont choisi de ne plus paraître jusqu'à l'expiration de la première période de l'état d'urgence, qui ne peut être prolongée qu'avec l'aval de l'Assemblée nationale. De fait, seul le quotidien privé pro-gouvernemental Le Progrès continue d'être publié normalement. Nadjikimo Benoudjita, directeur de publication de l'hebdomadaire privé Notre Temps, a décidé de stopper la parution de son journal jusqu'à la levée de l'état d'urgence, après que l'Agence nationale de sécurité (ANS) lui a ordonné de cesser d'évoquer les affrontements qui se déroulent à l'est du pays, a appris Reporters sans frontières auprès du journaliste. Le 15 novembre 2006, une quinzaine d'agents des services de renseignements se sont présentés à son domicile, attenant aux locaux de son journal, et ont saisi tous les exemplaires qu'ils ont trouvés. Les vendeurs de rue possédant des copies de Notre Temps, qui venait de paraître le jour même, ont également été sommés de les remettre aux agents de police. Le journaliste a été enjoint de prendre l'engagement de ne pas distribuer d'exemplaires non saisis de son journal et a été convoqué le lendemain par le directeur général de la Sûreté nationale, qui l'a mis en garde contre toute tentative de boycotter le mécanisme de censure préalable mis en place par les autorités dans le cadre de l'état d'urgence. L'édition du 15 novembre avait pourtant paru avec l'autorisation du procureur de la République, saisi par Nadjikimo Benoudjita sur la question de savoir si la censure préalable était rétroactive ou pas. Notre Temps avait en effet été imprimé avant la proclamation de l'état d'urgence. De son côté, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire privé L'Observateur, Abdelnasser Garboa, a expliqué à Reporters sans frontières que le comité de censure du ministère de la Communication avait exigé, le 21 novembre, que la maquette de l'édition devant paraître le lendemain soit recomposée, après avoir été censurée, de manière à ne pas faire apparaître de passages ostensiblement supprimés. L'édition de la semaine précédente, comme la plupart des journaux paraissant encore à N'Djamena, avait été publiée avec plusieurs bandeaux noirs sur lesquels était imprimé : "Partie censurée". Le journaliste a refusé de se plier à cette exigence et a fait part à l'organisation de son désarroi. "Je ne sais plus quoi faire. Cela confine à l'absurde. Ils ont même supprimé des passages où nous avons écrit que la France soutient le Tchad, alors que les deux pays le reconnaissent officiellement et s'en félicitent", a-t-il déclaré. Pour montrer l'aspect rétrograde de la censure mise en place par les autorités le 13 novembre, téléchargez ci-dessous les fac-similés des pages 1, 2 et 3 de l'édition censurée du Temps du 15 au 21 novembre.

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Updated on 20.01.2016