Loi sur la souveraineté en Hongrie : une nouvelle provocation dangereuse de Viktor Orban envers les médias indépendants

Au moment où l’Union européenne (UE) s’accorde sur une législation inédite sur la liberté de la presse (EMFA), le parti au pouvoir hongrois, le Fidesz, manœuvre pour s’attaquer aux rares médias indépendants encore existants. À la lecture de la nouvelle loi sur la souveraineté hongroise, Reporters sans frontières (RSF) appelle les institutions européennes à relancer avec fermeté la procédure de sanctions pour violation de l'État de droit en Hongrie.

Le 20 décembre dernier, la Présidente hongroise Katalin Novak a promulgué la loi sur la souveraineté malgré le diagnostic sans appel publié une semaine plus tôt par dix organes de presse hongrois. Ils craignent que la législation votée par le parlement “soit susceptible de restreindre considérablement la liberté de la presse et de rendre difficile, voire impossible, le fonctionnement des médias indépendants”. 

Si la présidente a affirmé que, conformément à la Loi fondamentale de la Hongrie, les activités de la nouvelle Autorité de protection de la souveraineté, créée par la loi, n’auraient aucun impact sur la liberté de la presse, le chef de cabinet du Premier ministre, Gergely Gulyas, a lui stipulé que les médias sont compris dans la notion vague d’“organisations”, inscrite dans le texte. Et en septembre dernier, le chef de file du Fidesz, Mate Kocsis, qui a proposé la législation, a clairement signifié vouloir s’en prendre, entre autres, aux  “journalistes de gauche” qui seraient “au service des intérêts des milliardaires américains démocrates à dollars ou des sociétés multinationales à Bruxelles.”

Avec cette loi, les organes de presse indépendants qui perçoivent des financements étrangers, y compris en provenance de l’UE, pourraient être qualifiés d’“agents étrangers”, une étiquette officielle qui les exposerait encore davantage aux campagnes de dénigrement du pouvoir en place. Or ce type de financement est une source indispensable pour beaucoup de médias indépendants, ayant souvent un statut d’organisations non-gouvernementales, qui sont privés de la publicité d’État et harcelés par l’autorité des médias

Sans recours juridique possible, la nouvelle Autorité pourra demander à toute organisation des informations sur son financement et ses activités, et mener des enquêtes sur les rédactions en coopération avec la police et les services secrets. En outre, si la confidentialité des sources journalistiques est garantie par la loi sur la presse hongroise, elle risque d’être contournée par cette nouvelle autorité, qui est ancrée dans la Loi fondamentale de la Hongrie et dès lors affranchie du cadre juridique existant sur les médias. Sous prétexte d’une enquête sur son financement, l’autorité pourrait mettre la pression sur une rédaction pour qu’elle dévoile ses sources. 

Ce nouveau texte va à l’encontre des avancées inscrites dans la législation européenne sur la liberté des médias (EMFA), négociée par les institutions européennes le 15 décembre dernier malgré la forte opposition du gouvernement hongrois et les tentatives d’autres États de l’affaiblir.

“Au moment où les institutions européennes s’accordent sur un texte inédit sur la liberté de la presse, le parti au pouvoir hongrois, Fidesz, manœuvre pour pouvoir s’en prendre aux voix indépendantes restantes dans le paysage médiatique qu’il contrôle à 80%. La loi sur la souveraineté est une nouvelle provocation dangereuse du Premier ministre Viktor Orban. Nous appelons le Conseil de l’UE et le Parlement européen à relancer avec fermeté la procédure de sanctions contre la Hongrie pour violation de l’État de droit selon l’article 7 du Traité de l’UE.

Pavol Szalai
Responsable du bureau UE-Balkans de RSF

La Hongrie, dont le Premier ministre figure dans la liste des 37 prédateurs de la liberté de la presse, se situe à la 72e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.

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