L'interdiction d’exercer le métier de journaliste : une sanction disproportionnée qui doit être retirée de la réforme de la loi sur la diffamation en Italie

Le projet de réforme de la loi sur la diffamation, actuellement examiné par la commission justice du Sénat italien, prévoit, outre une hausse des amendes, une scandaleuse peine d’interdiction d’exercice pour les journalistes. De plus, une récente proposition remet en cause la suppression des peines de prison, initialement prévue par la réforme. Reporters sans frontières (RSF) exhorte la majorité au pouvoir à se conformer à la recommandation contre les procédures-bâillons du Conseil de l’Europe et à voter une loi sans sanctions privatives de liberté ou disproportionnées.

Bien que le texte proposé en janvier 2023 par Alberto Balboni, sénateur du parti au pouvoir, Fratelli d’Italia, permettait de consacrer enfin dans la loi la jurisprudence de la Cour suprême supprimant les peines d’emprisonnement pour diffamation – qui pouvaient s’élever à six ans –, la partie est loin d’être gagnée pour la liberté de la presse. Tout d’abord, la peine de prison pour diffamation dans les médias – jusqu’à quatre ans – risque d’être conservée dans la législation à la suite d’un amendement, dévoilé par les médias le 11 avril dernier et déposé par le sénateur de Fratelli d’Italia Gianni Berrino, alors que la majorité au pouvoir y reste en principe opposée. 

Ensuite, la proposition de loi d’Alberto Balboni – que la majorité soutient – introduit une autre peine gravement disproportionnée : l’interdiction d’exercer pour les journalistes. Cette mesure, pouvant aller jusqu’à six mois, serait en contradiction directe avec le droit international et les engagements internationaux de l’Italie. Le journalisme n'étant que l’exercice à titre professionnel d’une liberté fondamentale, celle de la liberté d’expression, elle ne peut faire l’objet d’interdictions a priori. Cette peine serait notamment contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

“Si le droit de se défendre contre la diffamation est légitime, il ne doit pas museler la liberté de la presse. Le maintien des peines privatives de liberté pour cette infraction, anti-constitutionnelles, est totalement inadmissible. Quant à l’interdiction d’exercer pour les journalistes qu'introduit le projet de réforme, elle est non seulement disproportionnée, mais aussi contraire aux recommandations contre les procédures-bâillons du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne (UE). Nous exhortons la majorité au pouvoir à remplacer ces dispositions menaçant les journalistes d’autocensure par des mesures protectrices du droit à l’information inspirées par les textes européens.

Pavol Szalai
Responsable du bureau Union européenne-Balkans de RSF

En outre, le texte augmente sensiblement le montant des amendes – qui peuvent s’ajouter à d’éventuels dommages et intérêts –, passant de 1 000 euros environ à une fourchette de 5 000 à 10 000 euros. Un montant pouvant être porté à 50 000 euros si l’auteur de l’infraction avait connaissance de la fausseté des informations publiées.

Se mettre en conformité avec le droit européen

Le 5 avril dernier, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation pour lutter contre les procédures-bâillons. Par ce texte, l’organisation internationale appelle ses États membres, au rang desquels figure l’Italie, “à élaborer des stratégies globales et efficaces pour lutter contre les poursuites-bâillons”. Les dix indicateurs non exhaustifs, dressés pour identifier une telle procédure, comprennent le caractère disproportionné, excessif ou déraisonnable des réparations demandées.” Le texte demande aux États d’instaurer, entre autres, des garanties structurelles et procédurales, dont la possibilité d’un rejet rapide des plaintes, ainsi que le soutien aux victimes des poursuites-bâillons. Cette recommandation s’inscrit dans la lignée de celle proposée par la Commission européenne en 2021, dont certaines dispositions sont aujourd’hui légalement contraignantes dans le cadre de la directive anti-SLAPP adoptée par l’UE fin 2023.

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