A Libreville, RSF demande au président Ali Bongo des "actes en faveur de la liberté de la presse"

Lors d'une mission de trois jours au Gabon, une délégation de Reporters sans frontières a été reçue en audience, le 8 février 2013, par le président de la République, Ali Bongo Ondimba. Le secrétaire général de l'organisation, Christophe Deloire, a affirmé au chef de l’Etat que « la liberté de la presse au Gabon connaît des progrès mais doit être largement améliorée ». L’organisation a demandé que le gouvernement du pays, « classé au 89ème rang du classement mondial 2013 de la liberté de la presse, favorise tant l’exercice quotidien du journalisme que le cadre légal de la liberté de l’information, en abrogeant et remplaçant le code de la communication de 2001 ». Lors de l’entretien au Palais du bord de mer, la délégation de RSF a salué les intentions d’ouverture affichées par le président Bongo, mais a demandé « des actes concrets ». Il est en effet crucial que les autorités prennent rapidement des mesures pour que cessent les brutalités policières et les intimidations du pouvoir à l’encontre des journalistes. Le président de la République gabonaise a pour sa part affirmé : "Le Gabon est un pays doté d'une grande activité en terme d'information. Je veille à ce que personne ne soit arrêté pour ses opinions. D'ailleurs, aucun journaliste n'est actuellement en prison. Nous déplorons cependant depuis trois ans des dérives qui nous inquiètent. En raison des difficultés économiques pour les journalistes se développe un mercenariat de la plume. Le journalisme ne saurait se réduire à l'invective". Le président a affirmé sa détermination à garantir la liberté de la presse et a sollicité Reporters sans frontières pour accompagner les évolutions au Gabon. Des atteintes récurrentes à la liberté de la presse
Le secrétaire général et le responsable du bureau Afrique de RSF, Ambroise Pierre, ont fait valoir au chef de l’Etat les constats de leur mission d’observation. Le Gabon compte une presse diverse, plurielle, capable d'une grande liberté de ton. Néanmoins, des points noirs demeurent : pressions exercées sur les rédactions, subordination des organes de presse aux acteurs politiques de tous bords, fréquentes suspensions de médias par l'organe de régulation, caractère excessif des sanctions qui rendent les journalistes et les médias vulnérables face aux autorités, mépris des journalistes, entraves à l'accès à l'information, persistance d’une autocensure sur certains sujets. L’organisation demande que des enquêtes soient diligentées lorsque des médias sont victimes d'actes violents de vandalisme contre les biens ou les personnes. De manière générale, l’impunité dont bénéficient les auteurs d’exactions contre les médias et les journalistes est intolérable. Plusieurs cas concrets de médias ont été évoqués avec le président gabonais. Pour évaluer la situation, la délégation s’est entretenue avec des journalistes de la presse nationale et internationale, des dirigeants de rédactions, des diplomates étrangers et des officiels gabonais. Elle a été reçue par la secrétaire générale de la présidence et ex-ministre de la Communication Laure Olga Gondjout, le ministre de la Communication Blaise Louembé, celui de l'Intérieur, Jean-François Ndongou, la ministre de la Justice et garde des Sceaux Ida Reteno Assonouet et par le président du Conseil national de la Communication (CNC) Guy-Bertrand Mapangou. Les visites de médias se poursuivront jusqu'au départ de la mission, le 9 février 2013. La nécessité de refondre la loi de 2001
La présidence de la République a invité la mission de Reporters sans frontières à formuler des recommandations sur le projet de réforme de la loi de 2001 portant code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite. Au lieu d'une réforme de ce texte, l'organisation préconise l’abrogation du texte existant et la rédaction d'une nouvelle loi. Le code de la communication en vigueur est à la fois lacunaire et imprécis. Dans la loi de 2001, la liberté de la presse est consacrée mais n’est pas garantie par une institution de la République. La censure "constitue une violation des droits de l'Homme" mais elle n'est pas interdite. Des « cas prévus par la loi » peuvent la justifier. Les fonctions du Conseil national de la Communication (CNC) ne sont pas suffisamment définies. La tutelle du ministre de la Communication sur les médias publics (pouvoir de nomination) est problématique. Les autorités gabonaises sollicitent Reporters sans frontières pour que, dans un délai de deux mois, une liste de recommandations soit fournie sur le projet de loi. Pour RSF, il est urgent de supprimer des délits de presse à la définition nébuleuse, d’introduire de la clarté dans l’application des délits tels que la diffamation et l’injure, de reconnaître l'existence de la presse électronique qui agit pour l'instant dans un vide juridique, et de supprimer les peines de prison pour les délits commis par les acteurs de l’information dans l'exercice de leurs fonctions. Photo : Le président Ali Bongo (Wilfried Mbinah - AFP)
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Updated on 20.01.2016