Lettre ouverte de Reporters sans frontières à M. Ban Ki-moon à l’occasion de son voyage en Iran
Organisation :
Monsieur Ban Ki-moon
Secrétaire général des Nations unies
New York
États-Unis
Paris, le 29 août 2012
Alors que vous vous apprêtez à assister à Téhéran, les 30 et 31 août 2012, au sommet des pays non-alignés, Reporters sans frontières souhaite attirer votre attention sur la situation intolérable de la liberté d’information en Iran et sur la répression dont sont victimes les journalistes et les net-citoyens, tout comme l’ensemble de la société civile iranienne. Depuis la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, en juin 2009, notre organisation de défense internationale de la liberté de l’information observe que les blogueurs et les nouveaux médias ont rejoint les journalistes traditionnels au rang des “ennemis du régime”, soumis à une censure et une surveillance systématiques. Tandis que le régime de Téhéran organise ce sommet, la répression à l’encontre des acteurs de l’information s’est intensifiée. Plusieurs journalistes iraniens ont été empêchés de couvrir l’événement et le ministère de la Culture et l’Orientation islamique, dans un décret officiel, a menacé les médias, leur intimant l’ordre d’ “éviter, en présence d’invités étrangers, d’évoquer les problèmes internes”. “Tous les journaux doivent activement mettre en avant ce sommet”, affirme le décret. Quant aux journalistes accrédités, ils ont reçu pour consigne de “ne poser aucune question gênante pour le régime”. A deux reprises, les 14 mars et 17 octobre 2011, vous avez exprimé votre préoccupation sur “les informations faisant état d’une augmentation des exécutions, des détentions et arrestations arbitraires, des procès injustes, des possibles tortures et mauvais traitements infligés aux défenseurs des droits de l’homme, juristes, journalistes et militants de l’opposition” en Iran. Notre organisation ne peut que s’en féliciter. Depuis, malheureusement, la situation des droits de l’homme n’a cessé de se dégrader. Les convocations et les interpellations arbitraires de journalistes et de net-citoyens, menées par le ministère des Renseignements et les Gardiens de la révolution, se poursuivent. De même pour les mauvais traitements dans les différentes prisons du pays, notamment dans les prisons d’Evin et de Rajaishahr. Aujourd’hui, l’Iran, pays dans lequel vous vous rendez, est, avec vingt-six journalistes et dix-huit net-citoyens emprisonnés, la deuxième plus grande prison du monde pour les journalistes, après la Chine. Nous craignons pour la vie de plusieurs journalistes et net-citoyens emprisonnés, malades et très affaiblis, à la fois physiquement et psychologiquement. Ces derniers sont constamment en danger, comme le confirment les nombreuses familles de détenus qui ont adressé plusieurs courriers à Monsieur Ahmad Shaheed, Rapporteur spécial chargé d’examiner la situation des droits de l’homme en Iran. Bien que Monsieur Shaheed ait été mandaté par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, les autorités iraniennes ont officiellement déclaré qu’elles s’opposeraient sa venue en Iran. Votre porte-parole, M. Martin Nesirky a souligné qu' “en se rendant à Téhéran, le secrétaire général des Nations unies exprimera les inquiétudes internationales de façon bien plus claire”. Toutefois, il ne fait aucun doute que la République islamique profitera des tensions régionales et des négociations sur son programme nucléaire pour détourner l’attention de la communauté internationale de la gravité des atteintes aux droits de l’homme en Iran, comme elle le fait depuis des années. Or, la tenue de ce sommet constitue une opportunité de dialogue qui doit être saisie pour aborder, avec les autorités iraniennes, en parallèle des discussions sur leur programme nucléaire, la question du respect des droits fondamentaux et celle de la libération des journalistes et blogueurs emprisonnés. Par la présente, nous souhaitons exprimer notre vive inquiétude concernant : 1) les condamnations et incarcérations de femmes journalistes et de net-citoyennes La République islamique d’Iran détient le triste record mondial de condamnations de femmes journalistes et blogueuses. Depuis le 12 juin 2009, selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, plus de 57 d'entre-elles ont été arrêtées et condamnées, par les tribunaux de la révolution, à des peines allant de six mois à sept ans de prison ferme. Ces derniers jours, trois femmes journalistes, Jila Bani Yaghoob, Shiva Nazar Ahari et Rihaneh Tabatabai, ont été convoquées par les autorités judiciaires, pour purger leur peine. Elles ont été condamnées respectivement à un an de prison ferme et trente ans d’interdiction d’exercer le métier de journaliste, quatre ans de prison et 74 coups de fouet, et six mois de prison ferme. Actuellement, les net-citoyennes Ladan Mostoufi Ma’ab, Hanieh Sate Farshi, condamnées à cinq et sept ans de prison, et la journaliste Mahssa Amrabadi, condamnée à deux ans prison ferme, purgent leur peine d’emprisonnement à la prison d’Evin. Mahssa Amrabadi est l’épouse du journaliste Masoud Bastani, emprisonné depuis le 4 juillet 2009 à la prison de Rajaishahr. La net-citoyenne, Mansoureh Behkish, a, quant à elle, été condamnée, en juillet 2012, à six mois de prison ferme pour "propagande contre le régime" et trois ans et demi avec sursis pour "action contre la sécurité nationale". Son arrestation est imminente. Elle a été plusieurs fois incarcérée. 2) L’arrestation arbitraire et le maintien au secret, pratiqué par les autorités de manière systématique contre les journalistes et les net-citoyens Le 22 août 2012, Mir Hossein Mousavi, 72 ans, ancien Premier ministre et propriétaire du journal suspendu Kalameh Sabaz, a été hospitalisé à Téhéran, suite à un malaise cardiaque. Le lendemain, il a été transféré dans un lieu inconnu où il est en résidence surveillé. Depuis son arrestation il y a plus de dix-huit mois, il est en résidence surveillée avec sa femme, l’écrivain à succès Zahra Rahnavard, et l'ancien président du Parlement et propriétaire du journal suspendu Etemad Melli Mehdi Karoubi. Ils sont depuis lors privés de tous leurs droits. Mehdi Karoubi souffre également de nombreux problèmes de santé. Son épouse, la rédactrice en chef du magazine Iran dokhte, Fatemeh Karoubi, arrêtée elle aussi, a finalement été libérée en septembre 2011. En dépit des lois nationales et internationales, aucun observateur indépendant, national ou international, n’a la possibilité de visiter les prisons iraniennes afin de constater et dénoncer la violation des droits fondamentaux des personnes qui y sont détenues. Nous vous demandons, au nom de la communauté internationale, de contraindre les autorités iraniennes à collaborer sans condition avec les Nations unies et à respecter leurs engagements internationaux, tout particulièrement le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Iran est partie. Au nom de la communauté internationale, il est de votre devoir de demander la libération sans condition de tous les prisonniers d’opinion en Iran. Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à nos remarques et observations, afin de faire de la liberté d’informer une réalité en Iran. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Secrétaire général, l’expression de ma très haute considération. Christophe Deloire,
Directeur général de Reporters sans frontières
Secrétaire général des Nations unies
New York
États-Unis
Paris, le 29 août 2012
Alors que vous vous apprêtez à assister à Téhéran, les 30 et 31 août 2012, au sommet des pays non-alignés, Reporters sans frontières souhaite attirer votre attention sur la situation intolérable de la liberté d’information en Iran et sur la répression dont sont victimes les journalistes et les net-citoyens, tout comme l’ensemble de la société civile iranienne. Depuis la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, en juin 2009, notre organisation de défense internationale de la liberté de l’information observe que les blogueurs et les nouveaux médias ont rejoint les journalistes traditionnels au rang des “ennemis du régime”, soumis à une censure et une surveillance systématiques. Tandis que le régime de Téhéran organise ce sommet, la répression à l’encontre des acteurs de l’information s’est intensifiée. Plusieurs journalistes iraniens ont été empêchés de couvrir l’événement et le ministère de la Culture et l’Orientation islamique, dans un décret officiel, a menacé les médias, leur intimant l’ordre d’ “éviter, en présence d’invités étrangers, d’évoquer les problèmes internes”. “Tous les journaux doivent activement mettre en avant ce sommet”, affirme le décret. Quant aux journalistes accrédités, ils ont reçu pour consigne de “ne poser aucune question gênante pour le régime”. A deux reprises, les 14 mars et 17 octobre 2011, vous avez exprimé votre préoccupation sur “les informations faisant état d’une augmentation des exécutions, des détentions et arrestations arbitraires, des procès injustes, des possibles tortures et mauvais traitements infligés aux défenseurs des droits de l’homme, juristes, journalistes et militants de l’opposition” en Iran. Notre organisation ne peut que s’en féliciter. Depuis, malheureusement, la situation des droits de l’homme n’a cessé de se dégrader. Les convocations et les interpellations arbitraires de journalistes et de net-citoyens, menées par le ministère des Renseignements et les Gardiens de la révolution, se poursuivent. De même pour les mauvais traitements dans les différentes prisons du pays, notamment dans les prisons d’Evin et de Rajaishahr. Aujourd’hui, l’Iran, pays dans lequel vous vous rendez, est, avec vingt-six journalistes et dix-huit net-citoyens emprisonnés, la deuxième plus grande prison du monde pour les journalistes, après la Chine. Nous craignons pour la vie de plusieurs journalistes et net-citoyens emprisonnés, malades et très affaiblis, à la fois physiquement et psychologiquement. Ces derniers sont constamment en danger, comme le confirment les nombreuses familles de détenus qui ont adressé plusieurs courriers à Monsieur Ahmad Shaheed, Rapporteur spécial chargé d’examiner la situation des droits de l’homme en Iran. Bien que Monsieur Shaheed ait été mandaté par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, les autorités iraniennes ont officiellement déclaré qu’elles s’opposeraient sa venue en Iran. Votre porte-parole, M. Martin Nesirky a souligné qu' “en se rendant à Téhéran, le secrétaire général des Nations unies exprimera les inquiétudes internationales de façon bien plus claire”. Toutefois, il ne fait aucun doute que la République islamique profitera des tensions régionales et des négociations sur son programme nucléaire pour détourner l’attention de la communauté internationale de la gravité des atteintes aux droits de l’homme en Iran, comme elle le fait depuis des années. Or, la tenue de ce sommet constitue une opportunité de dialogue qui doit être saisie pour aborder, avec les autorités iraniennes, en parallèle des discussions sur leur programme nucléaire, la question du respect des droits fondamentaux et celle de la libération des journalistes et blogueurs emprisonnés. Par la présente, nous souhaitons exprimer notre vive inquiétude concernant : 1) les condamnations et incarcérations de femmes journalistes et de net-citoyennes La République islamique d’Iran détient le triste record mondial de condamnations de femmes journalistes et blogueuses. Depuis le 12 juin 2009, selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, plus de 57 d'entre-elles ont été arrêtées et condamnées, par les tribunaux de la révolution, à des peines allant de six mois à sept ans de prison ferme. Ces derniers jours, trois femmes journalistes, Jila Bani Yaghoob, Shiva Nazar Ahari et Rihaneh Tabatabai, ont été convoquées par les autorités judiciaires, pour purger leur peine. Elles ont été condamnées respectivement à un an de prison ferme et trente ans d’interdiction d’exercer le métier de journaliste, quatre ans de prison et 74 coups de fouet, et six mois de prison ferme. Actuellement, les net-citoyennes Ladan Mostoufi Ma’ab, Hanieh Sate Farshi, condamnées à cinq et sept ans de prison, et la journaliste Mahssa Amrabadi, condamnée à deux ans prison ferme, purgent leur peine d’emprisonnement à la prison d’Evin. Mahssa Amrabadi est l’épouse du journaliste Masoud Bastani, emprisonné depuis le 4 juillet 2009 à la prison de Rajaishahr. La net-citoyenne, Mansoureh Behkish, a, quant à elle, été condamnée, en juillet 2012, à six mois de prison ferme pour "propagande contre le régime" et trois ans et demi avec sursis pour "action contre la sécurité nationale". Son arrestation est imminente. Elle a été plusieurs fois incarcérée. 2) L’arrestation arbitraire et le maintien au secret, pratiqué par les autorités de manière systématique contre les journalistes et les net-citoyens Le 22 août 2012, Mir Hossein Mousavi, 72 ans, ancien Premier ministre et propriétaire du journal suspendu Kalameh Sabaz, a été hospitalisé à Téhéran, suite à un malaise cardiaque. Le lendemain, il a été transféré dans un lieu inconnu où il est en résidence surveillé. Depuis son arrestation il y a plus de dix-huit mois, il est en résidence surveillée avec sa femme, l’écrivain à succès Zahra Rahnavard, et l'ancien président du Parlement et propriétaire du journal suspendu Etemad Melli Mehdi Karoubi. Ils sont depuis lors privés de tous leurs droits. Mehdi Karoubi souffre également de nombreux problèmes de santé. Son épouse, la rédactrice en chef du magazine Iran dokhte, Fatemeh Karoubi, arrêtée elle aussi, a finalement été libérée en septembre 2011. En dépit des lois nationales et internationales, aucun observateur indépendant, national ou international, n’a la possibilité de visiter les prisons iraniennes afin de constater et dénoncer la violation des droits fondamentaux des personnes qui y sont détenues. Nous vous demandons, au nom de la communauté internationale, de contraindre les autorités iraniennes à collaborer sans condition avec les Nations unies et à respecter leurs engagements internationaux, tout particulièrement le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Iran est partie. Au nom de la communauté internationale, il est de votre devoir de demander la libération sans condition de tous les prisonniers d’opinion en Iran. Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à nos remarques et observations, afin de faire de la liberté d’informer une réalité en Iran. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Secrétaire général, l’expression de ma très haute considération. Christophe Deloire,
Directeur général de Reporters sans frontières
Publié le
Updated on
20.01.2016