Les violences contre les journalistes n’ont pas de fin
Organisation :
Reporters sans frontières exprime son effroi face à l’assassinat d’un onzième journaliste depuis le début de l’année 2010. Luis Carlos Santiago Orozco, photographe pour le quotidien El Diario, a été abattu dans sa voiture, et son collègue Carlos Manuel Sanchez Colunga grièvement blessé, par des inconnus dans le parking d’un centre commercial, jeudi 16 septembre, à Ciudad Juarez, ville à la frontière des Etats-Unis. Les tueurs ont pris la fuite.
L’attaque a eu lieu peu avant 15 heures à l’extérieur d’un parking du centre commercial Rio Grande, non loin des bureaux d’El Diario. Selon les premières informations, le mode opératoire est caractéristique des « contrats » et des règlements de comptes chez les trafiquants dans la guerre des cartels.
Reporters sans frontières exprime ses condoléances à la famille de Carlos Santiago, à peine âgé de 21 ans. Ses pensées vont également à son collègue Carlos Sanchez, actuellement à l’hôpital dans un état grave, dont elle espère le rétablissement.
Les mobiles derrière ces dernières violences ne sont pas clairs. Le journal n’avait pas reçu de menaces, les deux victimes n’étaient pas des journalistes confirmés et ne menaient aucun travail d’enquête particulier. Selon le directeur du journal, Pedro Torres, Luis Carlos avait rejoint El Diario comme stagiaire au mois de mai dernier et devait être engagé par le journal à partir du lundi 20 septembre. Son camarade Carlos Sanchez était également en stage depuis quelques semaines et devait être embauché par le journal à temps complet comme photographe. Ils avaient passé la matinée à un cours de photographie aux bureaux d’El Diario. « Ils ne couvraient aucun événement. Nous ne savons pas qui peut être derrière cette agression », a indiqué Pedro Torres.
Dans certains Etats du Mexique, et particulièrement dans la ville de Ciudad Juarez qui présente le désastreux bilan de près de 4000 tués en deux ans, la situation est proche du chaos. Face à l’extrême violence qui touche, en plus de la population en général, les professionnels de la presse, Reporters sans frontières soutient le rapporteur spécial des Nations unies pour la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue, qui lors d’un déplacement à Mexico en août dernier, avait proposé de mettre en place une protection spéciale pour les journalistes. L’organisation demande également au gouvernement de Felipe Calderon de réviser son plan de lutte contre l’impunité qui, cette tragédie le prouve une fois de plus, reste sans efficacité. Lors d’une rencontre avec la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Navanethem (Navi) Pillay, en juin dernier, Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières, avait soulevé le problème de la protection des journalistes, notamment au Mexique.
L’assassinat de Luis Carlos Santiago Orozco intervient seulement 20 jours après le changement de gouvernement dans l’Etat du Chihuahua et presque deux ans après l’assassinat de Armando Rodríguez Carréon, journaliste d’El Diario, survenu le 13 novembre 2008. Jusqu’à ce jour, les enquêtes n’ont donné aucun résultat, et ce malgré les promesses de la procureur Patricia Gonzalez Rodriguez.
Interviewé par Reporters sans frontières, Pedro Torres a émis le souhait que « l’enquête mène à quelque chose, à la différence de celle sur le meurtre d’Armando, qui avait eu lieu devant chez lui. Cette fois, les faits se sont déroulés dans un espace public où sont installées des caméras de surveillance et en présence de témoins. »
Depuis 2000, 68 professionnels des médias ont perdu la vie au Mexique, et onze sont portés disparus depuis 2003. Le Mexique est en Amérique latine le pays le plus dangereux pour la liberté de la presse et l’un des plus meurtriers au monde pour les journalistes.
Publié le
Updated on
20.01.2016