Les sondages d’Elon Musk sont le degré zéro, voire le contraire de la démocratie

Le recours aux sondages dont abuse le nouveau patron de Twitter relève du gadget cynique bien plus que de l’ouverture d’une grande plateforme aux principes démocratiques. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces simulacres de référendums et appelle à la mise en place de véritables procédés démocratiques pour régir les grandes plateformes.

Elon Musk a décidé de remettre en jeu son titre de président de Twitter à travers un énième sondage dont il est devenu un habitué depuis sa prise de contrôle du réseau social en octobre 2022. En une question brève suivie de choix de réponses simplistes, Elon Musk propose à sa communauté de trancher des questions complexes telles que la levée ou non du bannissement des comptes de Donald Trump ou de ceux des journalistes arbitrairement suspendus le 15 décembre 2022. Derrière ce gadget d’apparence référendaire se cache en réalité un simulacre de démocratie qui en piétine toutes les valeurs.

L’issue de ces pseudos référendums n’a qu’une importance très secondaire tant le procédé est grossier et cynique, affirme le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Ces méthodes singent des procédés démocratiques mais sont en réalité le degré zéro, voire le contraire de la démocratie. Des problématiques aussi importantes de liberté d’expression et d’accès à l’information ne peuvent être traitées par des méthodes expéditives et populistes”

Les sondages publiés par Elon Musk sont avant tout une manière de court-circuiter les institutions légitimes. En bricolant une doctrine de consultation du bon peuple de Twitter à l’aide d’un gadget et d’une locution latine (le fameux “vox populi, vox dei”* qu’il tweete à l’envi) le patron du réseau social se donne de faux airs de démocrate. Le procédé est retors, car il ne place qu’une seule parole au cœur des débats, la sienne, et consacre de fait son autorité. Or, ce n’est pas de l’autorité d’Elon Musk dont l’espace informationnel a besoin, mais de celles des démocraties et des institutions qui les régissent.

La volonté d’Elon Musk est d’isoler sa gestion de l’entreprise du monde extérieur et de régner sur Twitter comme bon lui semble. La dissolution du Trust and Safety council, l’organe de consultation de la société civile mis en place par Twitter, et le licenciement des équipes de Twitter à Bruxelles, jetant un doute sur la capacité du réseau social à honorer ses engagements dans le cadre du Code de bonnes pratique sur la désinformation, relèvent de cette logique isolationniste. 

L’exemple d’Elon Musk démontre pourtant par l’absurde que l’ère des grandes plateformes légiférant du haut de leurs tours d’ivoires doit prendre fin. Face à aux ambitions mondiales de ces entreprises, il faut une réponse internationale. Les démocraties doivent travailler notamment au sein du Partenariat pour l’information et le démocratie. En s’appuyant sur les recommandations formulées par son organe d’application, le Forum sur l’information et la démocratie, il sera possible de renforcer ou de développer un cadre législatif protecteur des libertés  pour enfin réguler ces entreprises. Il n’est pas encore trop tard. 

 

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