Les services de renseignements et la Commission des médias de l'information s'affirment comme les fossoyeurs des dernières publications privées
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Reporters sans frontières dénonce les manoeuvres de la Central Intelligence Organisation (CIO, services de renseignements zimbabwéens), au sein des dernières publications privées, asphyxiant peu à peu ce qui reste de voix indépendantes dans le pays. L'organisation renouvelle par ailleurs son indignation, alors que la Commission des médias de l'information (MIC, organe de régulation étroitement contrôlé par le pouvoir), continue d'exercer, comme chaque année, une pression inacceptable pour accorder les accréditations obligatoires à l'exercice du métier de journaliste.
"L'infiltration des derniers médias privés par les services de renseignements a eu des conséquences désastreuses pour le pluralisme. Incapables de gérer une société de presse, jetant le soupçon sur les publications qu'ils manipulent et faisant peu de cas des journalistes qu'ils emploient, ils n'ont réussi qu'à appauvrir un panorama médiatique déjà agonisant. Quand à la MIC, disqualifiée et ostensiblement asservie par le pouvoir, elle continue d'exercer un chantage intolérable, faisant vivre les derniers journalistes à n'avoir pas fui le pays, dans la peur ou le chômage", a déclaré l'organisation.
Deux épisodes récents sont venus démontrer que l'ingérence de la CIO dans la vie des médias a des conséquences politiques ou financières désastreuses. Le rédacteur en chef de l'hebdomadaire privé Financial Gazette (FinGaz), Sunsleey Chamunorwa, a été empêché d'accéder à son bureau, le 13 mars 2007, sous prétexte qu'il avait été relevé de ses fonctions. Le directeur général de la FinGaz, Jacob Chisese, proche de la CIO, a expliqué aux journalistes étonnés que des changements avaient été opérés au sein du journal, refusant de donner pour l'instant le nom d'un successeur. En février 2007, la MIC avait refusé au journal de renouveler sa licence - obligatoire au Zimbabwe pour paraître -, jusqu'à ce que le nom de son propriétaire soit révélé.
Le journal appartient depuis 2001 à la CIO, après une opération financière ayant utilisé le gouverneur de la Banque centrale, Gideon Gono, comme couverture. "Il a tenu jusqu'à aujourd'hui parce que Gono a refusé de se plier aux pressions du parti au pouvoir et de la CIO, qui se plaignaient de la ligne éditoriale du journal, faisant prétendument du mal au parti et favorisant le MDC", (Movement for Democratic Change, principal parti d'opposition), a déclaré une source au sein du journal qui a requis l'anonymat. Selon la même source, Sunsleey Chamunorwa avait même reçu la visite de membres de la CIO, qui lui auraient intimé l'ordre de changer de ligne éditoriale. Le 10 décembre 2005, le porte-parole du président Robert Mugabe, George Charamba, avait signé, dans le quotidien gouvernemental The Herald, une chronique dans laquelle Sunsleey Chamunorwa était mis en garde contre sa couverture de l'actualité : "Tick, tock, tick, tock, the clock ticks" [l'horloge fait tic-tac], avait-il écrit.
Par ailleurs, le 7 mars 2007, Tichaona Chifamba, PDG de la société éditrice du quotidien Daily Mirror, a annoncé à ses employés que le journal, ainsi que son édition dominicale Sunday Mirror, étaient contraints de cesser leur parution, en raison d'une crise financière. La CIO avait pris le contrôle de ces deux journaux en 2004, après en avoir chassé le fondateur, Ibbo Mandaza. Depuis, les ventes ont baissé, ne comptabilisant que 2000 copies par jour, et des dettes avoisinant les 500 millions de dollars zimbabwéens (environ 1,5 million d'euros) ont été accumulées. Les journalistes, désormais au chômage, n'ont pas touché leur salaire depuis plus d'un mois.
Des journalistes sont menacés de ne pouvoir exercer légalement s'ils déplaisent au pouvoir. Comme toutes les accréditations, l'autorisation de travailler du free-lance Nunurayi Jena devait être examinée par la MIC pour un renouvellement à partir du 31 décembre 2006. Le 23 février 2007, celui-ci a été informé que la Commission devait procéder à un examen plus approfondi de son dossier, estimant que son accréditation pour 2006 avait été accordée de manière "frauduleuse". L'exercice du journalisme sans accréditation de la MIC est passible au Zimbabwe d'une peine de deux ans de prison, en vertu d'une loi draconienne sur les médias adoptée en 2002, l'Access to Information and Protection of Privacy Act (AIPPA).
Pour la première fois depuis l'instauration de l'AIPPA, des journalistes ont été récemment condamnés pour avoir exercé le journalisme sans accréditation de la MIC. Peter Moyo, journaliste zimbawéen travaillant pour la chaîne de télévision E-TV, basée en Afrique du Sud, Trymore Zvidzai et William Gumbo, respectivement journaliste et cameraman de la chaîne publique Zimbabwe Broadcasting Corporation (ZBC), ainsi que Andrew Neshamba, chef du bureau de ZBC dans la région, ont été interpellés le 5 février 2007 à Mutare (Est). Ils se trouvaient dans la province de Manicaland pour couvrir des activités diamantifères illégales dans le village de Marange. Ils ont été libérés après une nuit de détention. Peter Moyo et Trymore Zvidzai ont été condamnés à une amende de 40 000 dollars zimbabwéens (environ 120 euros). William Gumbo et Andrew Neshamba ont pour leur part été inculpés d'"abus de pouvoir criminel" ("Criminal abuse of duty"). Leur procès doit avoir lieu le 21 mars.
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Updated on
20.01.2016