Les poursuites entamées contre Mourad Meherzi doivent être abandonnées

Reporters sans frontières, le Centre de Tunis pour la Liberté de la presse, le Syndicat national des journalistes tunisiens, le Comité de protection des journalistes et Article 19 s’inquiètent vivement des charges retenues contre Mourad Meherzi dont l’audience a été fixée au 5 septembre 2013. Les organisations demandent la libération immédiate du cameraman d’Astrolabe TV placé en garde à vue puis en détention préventive depuis le 18 août suite à la plainte déposée le 16 août dernier, par le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk. Mourad Meherzi est poursuivi pour avoir filmé et diffusé les images d’un jet d’œuf sur le ministre lors de la commémoration à Tunis du quarantième jour du décès de l’artiste Azzouz Chennaoui. Il est également accusé de complicité avec le réalisateur Nasredine Sihilli, qui a jeté l’œuf. "Le fait qu’un ministre accuse un cameraman de complicité pour avoir filmé des images dérangeantes alors qu'il était simplement en train de faire son métier, et la décision du procureur général d’ouvrir aussitôt une instruction judiciaire constituent une dérive extrêmement inquiétante et dangereuse pour la liberté de l’information en Tunisie", ont déclaré les organisations de défense de la liberté de la presse. "En tant que personnalités publiques et acteurs de la vie publique, les hommes politiques doivent accepter la médiatisation des événements publics les concernant ainsi que la critique. Ils doivent définitivement cesser de s'en prendre aux professionnels de l’information, témoins involontaires de leurs déboires, voire des attaques dont ils font l’objet", ont ajouté les organisations. A ce titre, Reporters sans frontières, le Centre de Tunis pour la Liberté de la presse, le Syndicat national des journalistes tunisiens, le Comité de protection des journalistes et Article 19 demandent que les charges retenues contre Mourad Meherzi soient abandonnées. La liste des chefs d’accusation énumérés dans le dossier de Mourad Meherzi est pour le moins absurde. En effet, il est notamment accusé d’avoir fomenté un complot pour commettre des violences contre les fonctionnaires (art. 120 du code pénal) et d'avoir nuit à un tiers ou perturbé sa quiétude à "travers les réseaux publics des télécommunications" (article 86 du Code des télécommunications). Mourad Meherzi encourt jusqu’à 7 ans de prison. Les organisations de défense de la liberté de la presse condamnent fermement le recours au code pénal alors même que le nouveau code de la presse a été promulgué le 2 novembre 2011 et que celui-ci dispose dans son article 79 que sont abolies "tous les textes précédents en contradiction avec le présent code, à compter de la date d’entrée en vigueur du code de la presse". En effet, l’article 245 du code pénal, apparaissant dans le dossier du prévenu, fait même référence à l’article 57 de l’ancien code de la presse pour statuer sur le fait diffamatoire. Reporters sans frontières, le Centre de Tunis pour la Liberté de la presse, le Syndicat national des journalistes tunisiens, le Comité de protection des journalistes et Article 19 rappellent que le décret-loi 115-2011, qui régit le travail des professionnels des médias, ne prévoit aucune sanction pour ceux d’entre eux couvrant un événement, officiel ou non. Le nouveau code de la presse prévoit au contraire dans son article 13 qu’un professionnel de l’information "ne peut être poursuivi pour son travail à moins que la violation des dispositions du présent décret-loi ne soit prouvée". “Il faut définitivement rompre avec le recours automatique au code pénal dans les affaires de presse, vieux réflexe qui remonte à l’ère de Zine El-Abidine Ben Ali”, ont déclaré les organisations de défense de la liberté de la presse.
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Updated on 20.01.2016