Les menaces contre les journalistes se multiplient

La situation de la liberté de la presse s'aggrave de jour en jour en Iran. Des journalistes sont sans cesse menacés ou convoqués par les ministères de la Justice ou des Renseignements, parfois de manière officieuse. C'est le cas notamment d'Arash Sigarchi, convoqué, le 27 août à Rashat (dans la province de Gylan) par le ministère des Renseignements, puis placé en garde à vue pendant deux jours. Collaborateur du quotidien régional Gylan Emroz, il anime également le weblog Panhjareh Eltehab (« La fenêtre de l'angoisse » en persan) au sujet duquel il a été longuement interrogé. La veille de sa convocation, Arash Sigarchi avait publié un article - illustré de photographies - sur le rassemblement annuel, au cimetière Khavarn de Téhéran, des familles des prisonniers exécutés en masse en 1989. Par ailleurs, Reporters sans frontières condamne l'interdiction faite à Emadoldin Baghi, journaliste indépendant et fervent défenseur de la liberté d'expression, de quitter l'Iran pour se rendre en Europe et aux Etats-Unis où il devait participer à plusieurs conférences sur les droits de l'homme. D'après M. Baghi, une lettre lui a été présentée à l'aéroport, le 5 octobre, alors qu'il se trouvait « au pied de l'avion », selon laquelle « le tribunal spécial du clergé demandait qu'on (l')empêche de quitter l'Iran. » M. Baghi, qui dirige une association de défense des prisonniers d'opinion, a déclaré : « Depuis quelques mois, je suis sous surveillance de plus en plus étroite. Cette surveillance a été encore renforcée ces derniers jours et deux agents me suivent en permanence ». Emadoldin Baghi avait été condamné en 2000 à trois ans de prison ferme pour ses écrits dans plusieurs journaux réformateurs, fermés depuis. Libéré en février 2003, il a repris ses activités journalistiques. En devenant le rédacteur en chef du quotidien Jomhouriyat, suspendu en juillet 2004. Il a également été condamné en décembre 2003, sans motif officiel, à un an de prison avec sursis. Enfin, Reporters sans frontières s'inquiète du sort de trois journalistes emprisonnés récemment dont l'organisation ainsi que les familles sont totalement sans nouvelles. Il s'agit de Hanif Mazroi, Shahram Rafihzadeh et Rozbeh Mir Ebrahimi. Rozbeh Mir Ebrahimi, ancien chef de la rubrique politique du quotidien réformateur Etemad (« Confiance » en persan), a été arrêté à son domicile, le 27 septembre, à Téhéran. Il a travaillé pour plusieurs titres réformateurs aujourd'hui suspendus, notamment le quotidien Jomhouriyat, interdit de publication par la justice le 18 juillet 2004. Le frère de Shahram Rafihzadeh, Bahram Rafihzadeh, a déclaré à l'agence de presse ISNA : « Depuis l'arrestation de mon frère, nous ne disposons d'aucune information ni sur lui ni sur son dossier. Officiellement, aucune visite ne peut être accordée avant la « clarification du dossier » et il n'y a aucune information à transmettre ! ». Les journalistes Hanif Mazroi et Shahram Rafihzadeh ont, quant à eux, été incarcérés dans le cadre du blocage, depuis le 21 août, du site d'informations Rouydad (www.rouydad.info), sur ordre du parquet de Téhéran. M. Ali Mazroi a déclaré être sans nouvelles de son fils, Hanif, et n'avoir obtenu aucune réponse aux deux courriers qu'il a adressés au chef du système judiciaire, l'ayatollah Shahroudi. Il y a quelques jours, le quotidien national Kayhan a nommément accusé plusieurs journalistes en exil travaillant pour la BBC, Radio Farda, Royadad ou gooya.com d'appartenir au « réseau ennemi » de Prague et de collaborer avec les services secrets américains. Dans un article intitulé « La maison de l'araignée », le directeur du journal, Hossin Shariatmadry, a également laissé deviner les noms de certains journalistes iraniens suspects, parmi eux Hanif Mazroi, Shahram Rafihzadeh et Rozbeh Mir Ebrahimi. Hossin Shariatmadry a été l'interrogateur et le tortionnaire de très nombreux prisonniers politiques dans la prison d'Evine. Il a été nommé à la tête du journal Kayhan par l'ayatollah Khamenei en personne. Cette campagne de dénonciation dans la presse gouvernementale est très préoccupante car l'expérience a montré que ces dénonciations publiques étaient généralement suivies d'une offensive judiciaire contre les médias.
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Updated on 20.01.2016