L'ensemble des médias du sultanat d'Oman ont reçu l'ordre, depuis cinq mois, de ne plus donner la parole à deux écrivains et intellectuels omanais, Mohammed Al-Harthi et Abdallah Al-Ryami. Cette décision du ministère de l'Information est vraisemblablement liée à des propos tenus sur la chaîne iranienne Al-Alam.
L'ensemble des médias du sultanat d'Oman ont reçu l'ordre, depuis cinq mois, de ne plus donner la parole à deux écrivains et intellectuels omanais, vraisemblablement suite à des propos tenus sur la chaîne iranienne Al-Alam. L'écrivain Mohammed Al-Harthi a vu sa rubrique hebdomadaire supprimée dans le quotidien Oman (officiel). Quant à Abdallah Al-Ryami, poète, ses fréquentes apparitions sur la télévision nationale omanaise (monopole de l'Etat) ont été annulées les unes après les autres.
Selon Mohammed Al-Harthi et Abdallah Al-Ryami, les autorités omanaises auraient donné des instructions orales aux rédacteurs en chef des journaux et aux directeurs des programmes de la radiotélévision publique leur interdisant d'interviewer les deux intellectuels et même de citer leurs noms et leurs travaux.
Contacté par Reporters sans frontières, le ministère de l'Information a refusé de s'expliquer sur cette mesure et s'est contenté de citer des changements mineurs apportés au code de la presse en août 2004.
Reporters sans frontières condamne l'attitude des autorités omanaises qui s'arrogent le droit de décréter quels sont les sujets « licites » et « illicites », qui sont les invités acceptables et les personnes bannies des ondes. Dans un pays démocratique, ces choix appartiennent normalement aux professionnels des médias. L'organisation demande que les médias nationaux soient de nouveau libres d'interviewer Mohammed Al-Harthi et Abdallah Al-Ryami, comme preuve qu'une modernisation politique du sultanat d'Oman est en marche. Cette ouverture passe obligatoirement par le respect d'une presse libre et indépendante, et donc une réforme du code de la presse, très restrictif, actuellement en vigueur.
Reporters sans frontières demande au sultanat d'Oman, membre de l'UNESCO depuis le 10 février 1972, de respecter la déclaration d'Alma-Ata (1995) par laquelle il s'est engagé à promulguer une législation « instaurant les droits à la liberté d'expression et d'opinion, à l'accès à l'information et à la liberté de la presse » et à « supprimer les monopoles et toutes les formes de discrimination touchant à la radiodiffusion».
Joints au téléphone par Reporters sans frontières, les deux intellectuels ont dénoncé un code de la presse « obsolète » et un contrôle systématique des autorités sur tous les moyens d'expression. Mohammed Al-Harthi a déclaré que « le code de la presse omanais, qui n'a pas été réformé depuis 1984, donne au ministère de l'Information le pouvoir de juger et de mettre en prison les journalistes sans avoir à se justifier. » Selon Abdallah Al-Ryami, les autorités « n'attachent aucune importance à la liberté de la presse et continuent de réprimer les opinions opposées au pouvoir. La censure s'exerce sur tous les moyens d'expression y compris Internet. »
Rappel des faits
La chaîne de télévision Al-Alam a consacré, en juillet 2004, deux émissions aux réformes démocratiques dans le sultanat d'Oman. Plusieurs membres du Conseil d'Etat (Majlis Al-Dawla) et de l'Assemblée consultative (Majlis Al-Shoura) devant participer à la première émission, le 7 juillet 2004, se sont désistés à la dernière minute. Lors de ce programme, Mohammed Al-Ryami et Abdallah Al-Harthi ont exprimé leurs doutes quant à la volonté du gouvernement omanais d'initier de vraies réformes démocratiques.
Une semaine plus tard, la télévision omanaise a refusé de louer ses studios à la chaîne Al-Alam et une fois encore la plupart des personnalités omanaises se sont décommandées avant l'enregistrement. La seconde émission a finalement été réalisée depuis Beyrouth ; Al-Ryami et Al-Harthi y ont participé par téléphone.
Mohammed Al-Harthi publiait chaque semaine une chronique culturelle intitulée Charafat (« Tribunes » en arabe) dans le quotidien Oman. Il a publié plusieurs livres et recueils de poèmes, dont certains sont censurés à Oman.
Abdallah Al-Ryami est un homme de théâtre qui a publié des écrits littéraires, des recueils de poèmes et participait régulièrement à des émissions culturelles sur la télévision omanaise. Depuis sa prise de parole sur Al-Alam, ses poèmes et ses oeuvres théâtrales ont été retirés de la grille des programmes. Dernièrement, des présentateurs ont sollicité son aide pour des émissions spéciales liées au ramadan, mais la direction leur a rappelé qu'ils ne pouvaient pas travailler avec Abdallah Al-Ryami. L'écrivain continue de s'exprimer sur différents sites Internet comme www.kikah.com, une revue culturelle électronique indépendante.
Une presse contrôlée par le gouvernement
Le code de la presse du sultanat d'Oman date de 1984. Il prévoit pour les délits de presse des amendes allant jusqu'à 5 000 US dollars et des peines de prison pouvant aller jusqu'à deux ans. Une commission présidée par le ministère de l'Information, et dont le ministre en personne valide toutes les décisions, est chargée d'autoriser la parution de nouvelles publications. Au mois d'août 2004, cette commission a annoncé que le capital obligatoire pour lancer une publication était élevé à un seuil minimum d'un demi-million de dollars, rendant ainsi plus difficile la création d'un nouveau titre.