Les médias, ennemis n°1 du Président

Reporters sans frontières condamne les menaces graves et irresponsables proférées par le président Yoweri Museveni contre les médias dans une lettre adressée, le 17 mai 2011, aux professionnels de l’information, dans laquelle les journalistes, ainsi que d’importants médias nationaux et internationaux, tels qu’Al-Jazeera ou la BBC, sont assimilés à des "ennemis" du pays "devant être traités comme tels". Cette lettre fait suite à une proposition d’amendement constitutionnel, annoncée lors d’une conférence de presse, le 10 mai dernier, et qui sera soumise à l’examen du Parlement, à l’occasion de la session parlementaire qui s’ouvre le 19 mai, et renforcerait les restrictions contre la presse. L’organisation s’inquiète d’une possible instrumentalisation de cet amendement contre les médias ougandais. En effet, s'il était adopté, les personnes suspectées de meurtre, viol, trahison, ainsi que les émeutiers et les "saboteurs de l’économie" pourraient être maintenus en détention provisoire pour une période allant jusqu’à six mois, sans recours à une liberté sous caution. La notion fourre-tout de "saboteurs de l’économie" pose particulièrement problème. Elle désigne tout individu qui nuirait à la vie économique du pays. Reporters sans frontières craint que les journalistes relayant des informations relatives aux mouvements de contestation soient considérés, par extension, comme tels. Ils pourraient être facilement accusés d’avoir fait fuir les touristes et les investisseurs potentiels du fait de leur travail journalistique. Reporters sans frontières exige que le gouvernement ougandais revienne sur son projet. Assimilés à des criminels, des fomentateurs de désordre, les journalistes sont dans la ligne de mire du Président, qui a qualifié leur travail de "faux et parfois malveillant" le 12 mai. Du lynchage à l’amendement constitutionnel, en passant pas les arrestations et les agressions de journalistes, ces techniques prédatrices sont les signes tangibles du virage autoritaire pris par le président Yoweri Museveni, quelques jours après son investiture. Ce projet de réforme constitutionnel proposé à l’examen du Parlement, qui est constitué en grande majorité de membres du parti présidentiel, le MRN (Mouvement de Résistance Nationale), représente une atteinte grave aux libertés fondamentales. Cet amendement constitutionnel ne doit en aucun cas passer. Dans sa lettre officielle envoyée aux rédactions le 17 mai, et dont Reporters sans frontières a pris connaissance, le Président ne lésine pas sur les accusations. Pire, ses affirmations auraient tendance à justifier le musellement des médias ainsi que la répression policière du 12 mai, au cours de laquelle dix journalistes avaient été blessés : "(…) Ceux qui ont parlé de marches inoffensives peuvent observer leur erreur. Les groupes médiatiques, à la fois locaux et internationaux, tels qu’Al-Jazeera, la BBC, NTV, The Daily Monitor, etc., qui encouragent ces irresponsables, sont les ennemis du rétablissement de l’Ouganda et devront être traités comme tels", a-t-il écrit dans sa lettre. L’envoi de cette lettre intervient une semaine après la conférence de presse, durant laquelle le Président avait publiquement critiqué la couverture des manifestations "walk-to-work" par les médias, tout particulièrement par The Daily Monitor. "C’est quelque chose que je vous avise d’arrêter car ce pays appartient aux Ougandais, et non pas aux journaux ou aux radios", avait-il déclaré aux journalistes. Au cours de cette conférence, le Président avait alors annoncé que son gouvernement introduirait le fameux amendement à la Constitution relatif entre autres aux "saboteurs de l’économie", qui a déjà été proposé aux membres du parti présidentiel MRN, lors des meetings politiques tenus les 13 et 15 mai dernier. Photo : AFP
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Updated on 20.01.2016