C'est une année riche en événements pour la blogosphère internationale et pour les
Bobs, le concours de la DW qui récompense les meilleurs projets de cyber-activisme. Entre les attaques redoublées de la censure contre les blogueurs et les journalistes et l'affaire de la NSA, de nombreux programmateurs ont employé leur créativité au développement de nouvelles techniques de cryptage et de réseaux de communication sécurisés.
La contestation anti-gouvernementale de l'an dernier en Turquie est encore très présente sur la Toile et la crise ukrainienne est le grand sujet du printemps 2014. En Afrique et en Asie, les innovations techniques qui visent à faciliter aux populations l'accès à l'information sont au premier plan.
Une des caractéristiques des Bobs est que de nombreux blogs, sites et campagnes sont l'œuvre de personnes menacées dans leur pays d'origine par des représailles, des poursuites voire de la prison. Souvent, Internet représente pour eux l'ultime espace de liberté, qu'il s'agisse de militantes des droits de l'homme dans des pays arabes ou d'opposants en Chine. Et ils sont nombreux à devoir contourner la censure sans relâche, avec les autorités de leur pays sur les talons.
Souvent, ce jeu du chat et de la souris est très risqué. Au cours des dix années d'existence des Bobs, on a vu des blogs désignés pour la finale tout bonnement disparaître. Parfois, on a même vu des lauréats jetés en prison. La Cubaine Yoani Sánchez a ainsi été enlevée, frappée et menacée. Elle avait parlé de façon critique du quotidien à Cuba dans son blog «
Generation Y » et cela n'avait pas plu au régime de Fidèle Castro. Elle a remporté en 2008 le prix du Meilleur Blog des Bobs et ce n'est que l'an passé que la lauréate a pu venir chercher son trophée à Berlin. Auparavant, elle n'avait pas le droit de sortir du territoire cubain.
Les finalistes
Plus de 3.000 candidatures ont été adressées pour les Bobs 2014. Les 15 membres du jury international ont sélectionné leurs finalistes. C'est maintenant aux internautes de voter afin de décerner les prix du public dans les 20 catégories du concours.
Dans les 14 catégories « Favori du public » concourent cinq finalistes de chaque langue, dont le français. Les six autres catégories « mixtes », opposent des candidats toutes langues confondues. Il s'agit de désigner le meilleur blog, la meilleure campagne d'activisme social ou encore la meilleure innovation. Ainsi, on trouve parmi les finalistes
la campagne brésilienne « Um lar para Snowden », une pétition signée par plus d'un million de personnes qui appelle le gouvernement brésilien à accorder l'asile au lanceur d'alerte à l'origine des révélations sur la surveillance de la NSA américaine.
« Lantern » est un outil fr_FR:qui sert à contourner la censure#. Le réseau est accessible sur invitation. Chaque ordinateur membre du groupe peut faire office de serveur et permettre un accès libre et non censuré à des sites ou des réseaux sociaux bloqués.
La
page Facebook « EuroMaydan » est la source d'information la plus importante sur les événements en Ukraine. Elle a récolté en un temps record plus de 300.000 fans.
Le collectif «
Emmabuntüs » propose pour sa part des logiciels pour reconditionner des ordinateurs d'occasion et leur offrir une nouvelle vie, par exemple dans les pays en développement.
Enfin, dans la catégorie « Créativité & Originalité », on trouve à la fois des sites politiques et humoristiques. Nominée pour la deuxième fois pour la langue française, Delit Maille tricote littéralement l'actualité avec un nouveau projet ambitieux : le centenaire de la Première guerre mondiale.
Tous les finalistes sont présentés sur
le site des Bobs. À partir du 2 avril et jusqu'au 7 mai, les internautes peuvent voter pour décerner le prix du public dans chaque catégorie.
Le jury
De son côté, le jury décerne des prix dans les six catégories mixtes. Ses membres se retrouvent à Berlin en mai pour une session de délibération suivie de l'annonce des lauréats dans le cadre de la conférence re:publica.
La blogueuse russe Alena Popova est pour la deuxième fois membre du jury des Bobs. En cette année où la Russie et l'Ukraine sont au cœur de l'actualité internationale, elle souligne l'importance des initiatives en ligne pour mobiliser les citoyens. En 2012, Alena Popova a créé une fondation qui vise à soutenir de tels projets :
« Le cyber-activisme a montré que la société russe était mûre pour le changement. Nous nous aidons mutuellement pour faire évoluer les choses, ensemble. Cette confiance est telle que même la propagande de l'État ne peut l'ébranler. Depuis l'élection de la Douma (le Parlement russe) en décembre 2011, certains projets en ligne ont entraîné des effets concrets. »
Pour la première fois, la langue française est représentée par le blogueur camerounais Florian Ngimbis, lauréat du Meilleur blog francophone en 2012. Son blog Kamer Kongossa est l'un des plus populaires en Afrique francophone, il y formule une critique acerbe du pouvoir en place sur fond de petites histoires du quotidien.
Menaces ou « conseils » ?
Le jury des Bobs compte également de vieux habitués qui se sont distingués par le passé en donnant de la voix à des blogueurs dans des pays autoritaires. C'est le cas d'Arash Abadpour, blogueur d'origine iranienne établi au Canada, ou de Shahidul Alam, grand photographe du Bangladesh et militant reconnu des droits de l'homme. Depuis l'an dernier, le professeur d'université chinois Hu Yong fait lui aussi partie du jury. Il ne pourra cependant pas participer à la session de délibération… les autorités chinoises lui ont « conseillé » de ne pas sortir du pays.