Les Etats-Unis refusent de rouvrir le dossier des trois employés de Reuters maltraités par l'armée américaine en Irak
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Reporters sans frontières proteste contre la décision du Pentagone de ne pas rouvrir une enquête sur les trois employés de Reuters maltraités par l'armée américaine lors d'un interrogatoire en Irak en janvier 2004. L'organisation exige à nouveau du gouvernement américain "une enquête approfondie sur les mauvais traitements subis par les journalistes pour pouvoir faire la lumière définitivement sur ces allégations de torture."
"S'il est inacceptable que les autorités américaines tolèrent un tel comportement de la part de l'armée, il est aussi scandaleux que le gouvernement refuse d'approfondir l'enquête et d'en éclairer les points obscurs. Les coupables doivent êtres arrêtés et condamnés" a indiqué Reporter sans frontières.
Lawrence Di Rita, porte-parole du secrétaire d'Etat américain Donald Rumsfeld, a déclaré, dans une lettre envoyée le 7 mars à Reuters, que les avocats du commandement central ainsi que le Pentagone avaient réétudié "l'enquête préliminaire sans découvrir de nouveaux éléments."
"Il est réellement dommage que Reuters ne soit pas satisfaite de la décision" a affirmé le porte-parole avant de poursuivre : "Je vous recommande d'envoyer vos journalistes accompagner les unités américaines sur le terrain. Ce serait une excellente opportunité de couvrir les activités militaires des Etats-Unis en Irak."
Les trois Irakiens ainsi qu'un quatrième travaillant pour la chaîne américaine NBC avaient été détenus quelques jours par l'armée américaine, en janvier 2004, dans la base militaire " Forward Operating Base Volturno" a proximité de Falloujah. Ils ont déclaré avoir été "battus et avoir subi des traitements humiliants et dégradants d'ordre sexuel et religieux".
L'enquête préliminaire avait conclu qu'«aucun cas d'abus spécifique n'a été enregistré ». Aucun des soldats, interrogés sous serment, n'a « admis avoir connaissance d'abus physiques ou d'actes de torture ». L'armée américaine n'a jamais interrogé les trois employés de Reuters.
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19 mai 2004 - Reporters sans frontières est atterrée par les témoignages de trois employés de Reuters torturés en Irak
L'organisation exige du gouvernement américain une « véritable enquête »
Reporters sans frontières a déclaré, dans un courrier adressé au secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld, être « atterrée » par les révélations de l'agence Reuters sur les mauvais traitements subis, entre les mains de l'armée américaine, par trois de ses employés en Irak, en janvier 2004. L'organisation a également condamné « le laxisme et le manque total de transparence du Pentagone dans cette affaire. Des réponses insuffisantes et l'absence évidente d'enquête sérieuse, malgré les demandes répétées de l'agence de presse britannique, ne sont pas à l'honneur du gouvernement américain ».
« Les témoignages des journalistes de Reuters sont accablants. Les faits rapportés sont d'une extrême gravité. Pourtant, l'armée américaine, se croyant sans doute au-dessus des lois, n'a pas jugé utile, depuis des mois, d'interroger les trois victimes », a indiqué l'organisation, avant de poursuivre : « Nous vous demandons cette fois de répondre avec la plus grande honnêteté et par une véritable enquête à ces accusations très sérieuses, y compris celles d'un cameraman de la chaîne arabe Al-Jazira, Hassan Saleh, qui aurait été, selon ses dires, torturé dans la prison d'Abu Ghraib en novembre 2003. »
« Les enquêtes doivent être rouvertes, non pas dans le but de blanchir l'armée, mais avec la volonté de faire toute la lumière sur ces allégations de tortures et d'en punir les auteurs » , a conclu Reporters sans frontières.
Trois employés de Reuters ont déclaré avoir été battus et exposés à des traitements humiliants et dégradants d'ordre sexuel et religieux lors de leur détention dans un camp militaire américain près de Fallujah, en janvier 2004. Les deux journalistes et le chauffeur irakiens ont raconté leur calvaire à l'agence Reuters, dès leur libération le 5 janvier. Mais ils ont décidé de le rendre public seulement après que l'armée américaine avait récusé toute preuve de mauvais traitements et que les médias avaient révélé la pratique de tortures dans la prison d'Abu Ghraib.
Dans une lettre datée du 5 mars, mais reçue il y a deux jours par l'agence Reuters, le lieutenant général Ricardo Sanchez, commandant des forces terrestres américaines en Irak, s'est déclaré persuadé que l'enquête avait été « exhaustive et objective ». A la lumière des faits nouveaux concernant les mauvais traitements infligés aux détenus irakiens dans la prison d'Abu Ghraib, David Schlessinger, l'un des directeurs de Reuters, a récemment demandé au Pentagone une nouvelle enquête.
Les mauvais traitements auraient eu lieu sur une base militaire près de Fallujah (Forward Operating base Volturno). Salem Ureibi, cameraman, Ahmad Mohammad Hussein Al-Badrani, journaliste free-lance basé à Fallujah, et Sattar Jabar Al-Badrani, chauffeur, avaient été arrêtés, le 2 janvier 2004, alors qu'ils couvraient un accident d'hélicoptère américain près de Fallujah. Les trois hommes avaient été libérés, le 5 janvier, sans qu'aucune charge soit retenue contre eux.
« Quand j'ai vu les photos d'Abu Ghraib, j'ai pleuré », a déclaré Salem Ureibi, avant de poursuivre : « J'ai vu qu'ils avaient souffert comme nous.».
Un résumé de l'enquête conduite par la 82e Airborne Division, daté du 28 janvier et transmis à l'agence Reuters a conclu : « Aucun cas d'abus spécifique n'a été enregistré ». D'après ce rapport, aucun des soldats, interrogés sous serment, n'a « admis ou rapporté avoir connaissance d'abus physique ou d'actes de torture ». L'armée américaine n'a jamais interrogé les trois employés de Reuters.
Par ailleurs, Reporters sans frontières demande au Pentagone de mener une enquête séparée sur les conditions de détention du cameraman de la chaîne qatarie Al-Jazira, Hassan Saleh, 33 ans, détenu pendant un mois et demi en novembre 2003. D'après son témoignage publié dans plusieurs médias - le quotidien britannique The Guardian et le magazine américain The Nation -, il aurait subi à plusieurs reprises des mauvais traitements, notamment dans la prison d'Abu Ghraib.
Hassan Saleh a été arrêté par l'armée américaine, le 3 novembre 2003, près de Baqouba, à une quarantaine de kilomètres au nord de Bagdad, alors qu'il couvrait une attaque à la bombe qui venait de se produire contre un convoi américain. Ses interrogateurs l'ont accusé d'avoir eu connaissance de l'explosion avant les faits. D'après son témoignage, il a tout d'abord été conduit sur la base militaire de l'aéroport international de Bagdad, puis à Tikrit, avant d'être transféré à la prison d'Abu Ghraib à Bagdad où il aurait été déshabillé, battu et insulté, les soldats faisant référence à lui en l'appelant « Al-Jazira », « garçon » ou « pute ». Lors de sa détention, il aurait été forcé de rester debout dehors pendant onze heures, nu, la tête enfermée dans un sac. Il aurait ensuite été battu, revêtu d'une tenue rouge couverte de vomissures puis interrogé par deux Américains en civil. Ceux-ci ont accusé la chaîne Al-Jazira de travailler avec des terroristes.
Après plusieurs semaines de détention, Hassan Saleh a été présenté devant la Cour suprême fédérale, tribunal nouvellement établi par le Conseil de gouvernement irakien. D'après le quotidien The Guardian, Hassan Saleh a été entendu lors de la première audience de cette cour qui l'a relâché pour manque de preuves. Il a été libéré le 18 décembre, à l'extérieur de Bagdad, toujours vêtu des mêmes vêtements souillés.
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Updated on
20.01.2016