Les deux poids deux mesures du gouvernement congolais sur la concentration des médias

Reporters sans frontières s'inquiète de l'attitude partiale des autorités congolaises envers certains groupes de presse critiques à l'encontre du gouvernement. Le 5 mai, le président du groupe Talassa, qui regroupe un journal économique, un bihebdomadaire, un mensuel, un site internet et une imprimerie (outre une agence de communication), s'est vu notifié l'annulation de son "certificat de déclaration", délivré par le Conseil Supérieur pour la Liberté de la Communication (CSLC) le 30 novembre 2011. Cette décision, fondée notamment sur l'article 5 de la loi de 2001 sur la liberté de l'information et de la communication qui interdit « toute forme de concentration d’entreprise d’information et de communication », pourrait avoir pour conséquence la fermeture du groupe. "Reporters sans frontières s'étonne que cette incrimination ne semble cibler que les groupes dont les publications ont tenu des propos critiques envers le gouvernement", déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. "Des groupes semblables mais dirigés par des proches du pouvoir congolais, ne sont pas sanctionnés. S'agirait-il de réduire au silence les voix critiques à la veille du référendum constitutionnel visant à amender la Constitution de 2002 afin de permettre au président Sassou N'Guesso, au pouvoir depuis 1997, de briguer un nouveau mandat?". A titre d'exemple, le groupe Bassin du Congo-SA, sous l'autorité de Jean-Pierre Pigasse, un proche du président, possède, l'agence d'information Adiac, financée en majorité par le gouvernement congolais, un quotidien, un site internet et une imprimerie. Le groupe DRTV, qui appartient à un dignitaire du pouvoir, le général Norbert Dabira, possède une radio et deux chaînes de télévision. Le démantèlement du groupe de presse Talassa fait suite à la publication en mars 2014 de plusieurs articles mettant en lumière des faits étranges, notamment l'augmentation en flèche du nombre de votants dans les régions favorables au président de la République, ou l'absence d'enquêtes judiciaires dans les circonstances de la mort d'une vingtaine de personnes à Brazzaville lors de l'arrestation par l'armée du colonel Ntsourou en décembre 2013. L’an dernier, le bihebodomadaire d'information Talassa a été interdit de publication à deux reprises : en juin 2013 en même temps que trois autres journaux connus pour leurs distances d'avec le régime pour " publication d'articles séditieux, propagation de fausses nouvelles, manipulation de l'opinion, incitation à la violence et à la division, diffamation" et le 25 février 2014, pour une durée de quatre mois pour "récidive dans le manque de considération du Conseil". Le 5 décembre 2013, trois journaux, La Griffe, Le Nouveau Regard et La Vérité , avaient également été "interdits de parution" pour une durée indéfinie, notamment au motif d'avoir porté "atteinte à la sureté nationale" et récidivé dans la déformation et l'altération des faits pour surprendre la bonne foi de quiconque". La République du Congo occupe la 82e place, sur 180 pays, dans le classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
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Updated on 20.01.2016