Le président Lula a transmis au Congrès un projet de loi instituant un Conseil fédéral de journalisme et des Conseils régionaux de journalisme chargés de surveiller l'exercice éthique du journalisme et auxquels les reporters seraient dans l'obligation de s'inscrire. Reporters sans frontières dénonce un projet dangereux pour la liberté de la presse.
Réunie en session plénière, la Chambre des députés a rejeté, le 15 décembre, le projet de loi sur le Conseil fédéral et les Conseils régionaux de journalisme. Des élus du Parti des travailleurs (PT, gauche) du président Lula se sont joints à l'opposition pour voter contre la proposition qui leur avait été soumise par le pouvoir exécutif, à la demande de la Fédération nationale des journalistes (Fenaj).
------------------------------------------------------------
17.08.2004 - Reporters sans frontières s'inquiète d'un projet de création de Conseils du journalisme
Reporters sans frontières est préoccupée par un projet de loi instituant un Conseil fédéral de journalisme et des Conseils régionaux de journalisme chargés de surveiller l'exercice éthique du journalisme et auxquels les reporters seraient dans l'obligation de s'inscrire.
L'organisation a demandé au président Luis Inácio Lula da Silva de retirer le projet de loi qu'il a lui-même transmis pour examen au Congrès.
"Nous ne remettons pas en cause les bonnes intentions des professionnels à l'origine du projet qui souhaitaient améliorer la qualité du journalisme. Néanmoins, ce projet est dangereux pour la liberté de la presse", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
"Tout d'abord parce qu'il institue l'obligation, pour exercer la profession, d'être inscrit auprès des dits conseils. Cette disposition est contraire à la Déclaration de principes sur la liberté d'expression adoptée en octobre 2000 par la Commission interaméricaine des droits de l'homme qui stipule clairement que "l'adhésion obligatoire à une association professionnelle ou l'exigence de titres ou diplômes pour l'exercice de toute activité journalistique constituent des entraves illégitimes à la liberté d'expression", a rappelé l'organisation.
"De plus, il n'appartient pas à l'Etat de veiller au respect de l'éthique par la presse. De telles prérogatives pourraient être instrumentaliser pour faire pression sur les médias qui exercent un rôle de contre-pouvoir dans une société démocratique", a souligné M. Ménard. "Bien entendu, les journalistes doivent répondre de ce qu'ils écrivent mais, pour cela, des lois sur la diffamation existent déjà. De nouveaux textes ne sont pas nécessaires", a conclu le secrétaire général de l'organisation.
Le 5 août 2004, le Journal officiel a annoncé que le président Luis Inácio Lula da Silva avait transmis au Congrès un projet de loi sur la création d'un Conseil fédéral de journalisme (CFJ) et de Conseils régionaux de journalisme (CRJ). Ces conseils ont pour mission d'"orienter, discipliner et contrôler l'excercice de la profession (…) et de veiller aux strict respect des principes éthiques et de la discipline" par les journalistes.
Selon l'article 4 de ce texte, tous les journalistes auront l'obligation de s'inscrire auprès du CRJ de la région où ils sont domiciliés. Le Code d'éthique et de discipline sera élaboré par le CFJ qui devra également établir les conditions à remplir pour pouvoir s'inscrire. En cas d'infraction, les CRJ serviront de cour de première instance et le CFJ de cour d'appel.
L'article 7 stipule que les sanctions prononcées pourront aller de l'avertissement à la radiation, qui reviendrait à une interdiction de pratiquer le journalisme. Des amendes, censures ou suspensions sont également prévues. José Dirceu, chef de cabinet du président Lula da Silva, a déclaré que les CRJ devraient lutter contre les fuites d'informations confidentielles. Quelques jours plus tôt, sur la base d'informations placées sous le secret bancaire, la presse avait accusé Henrique Meirelles, président de la Banque centrale, d'évasion fiscale.
Le projet de loi a été élaboré sur la base d'un avant-projet transmis au président Lula da Silva le 7 avril dernier par la Fédération nationale des journalistes (FENAJ), qui regroupe les syndicats régionaux de journalistes. Ce document contenait en annexe un code d'éthique stipulant que "le journaliste doit éviter la diffusion de faits à caractère morbide ou contraires aux valeurs humaines" et qu'il doit "traiter avec respect toutes les personnes mentionnées dans les informations diffusées".
Par ailleurs, en vue de garantir un journalisme de qualité, la FENAJ proposait dans la présentation du texte de rendre obligatoire la possession d'un diplôme de journalisme et le passage d'un examen pour pouvoir être inscrit auprès d'un CRJ. Cité par l'agence de presse britannique Reuters, Sergio Murillo, président de la FENAJ, a également expliqué que le projet donnerait plus de pouvoirs aux journalistes face aux groupes de presse. Répondant aux attaques formulées contre le texte, il a déclaré : "Ces groupes économiques ne veulent pas de journalistes organisés."