Les avertissements de RSF ont contribué à alerter le fonds souverain norvégien sur un risque d’atteinte à la liberté de la presse par le conglomérat polonais PKN Orlen

Reporters sans frontières (RSF) se félicite que ses avertissements aient été entendus par le fonds souverain de la Norvège qui a mis sous surveillance une société contrôlée par l’État polonais, en raison du risque d'atteinte à la liberté de la presse que suscite son acquisition de médias. L’organisation appelle Varsovie à rassurer ses partenaires internationaux en cessant son ingérence dans les médias.

Les alertes de RSF sur la situation en Pologne ont été entendues. À plusieurs reprises, le rapport du conseil d’éthique du fonds souverain norvégien publié d'octobre 2022 cite des constats ou des recommandations faites par l’organisation. C’est sur la base de ce rapport que le plus grand fonds souverain au monde a pris la décision, le 22 février 2023, de mettre sous surveillance durant trois ans la société contrôlée par l’État polonais Polski Koncern Naftowy Orlen (PKN Orlen), qui a pris le contrôle du groupe Polska Press. Une prise de contrôle qui pourrait “avoir des effets négatifs sur la liberté d'expression".

Le rapport du conseil d’éthique du fonds constate que “depuis l’arrivée du parti [Droit et justice, PiS] au pouvoir en 2015, celui-ci aurait pris plusieurs mesures pour accroître son influence sur les médias nationaux en Pologne”. En se réfèrant au communiqué de RSF du 31 juillet 2020, le rapport explique qu’une politique de “repolonisation” est à l’œuvre dont “le but [...] est de garantir le contrôle des médias par l'État [polonais]. RSF avait alors pointé cette politique qui vise à limiter les capitaux étrangers dans les médias privés polonais. 

En s’appuyant sur un second communiqué de RSF datant du 10 mai 2021, le rapport précise que des ONG, dont RSF, “ont également exprimé de graves inquiétudes quant à l'influence politique accrue sur Polska Press à la suite de cette acquisition”. RSF avait demandé à PKN Orlen d’en finir avec ses interventions au sein des rédactions de Polska Press. Le rapport souligne enfin que “depuis 2015, le pays a perdu 46 places au Classement mondial de la liberté de la presse”  publié par RSF.

“La décision du fonds souverain norvégien montre que les atteintes à la liberté de la presse ont des répercussions sur les relations de la Pologne avec ses principaux partenaires internationaux, et cela pas seulement dans le domaine politique. Nous saluons l’initiative prise par le fonds norvégien, qui constitue une démarche originale et prometteuse. Pour aller plus loin, il serait pertinent que le fonds rende publics les rapports de surveillance de PKN Orlen qu’il publiera à l’avenir. Quant au gouvernement polonais, il doit mettre fin à sa politique de ‘repolonisation’ qui est une politique d’ingérence dans les médias.

Christophe Deloire
Secrétaire général de RSF

Suivant la recommandation de son conseil d’éthique, le fonds, qui possède 1,15 % des parts de PKN Orlen, constate “un risque inacceptable que la société (PKN Orlen) contribue à de sérieuses violations des droits de l’homme”. Le conseil a annoncé craindre la menace d’une “influence politique” exercée par la société pétrolière polonaise sur le groupe médiatique Polska Press qu’elle a acquis en 2020. Si le niveau de ce risque est difficile à estimer pour le conseil, il s’avère “particulièrement sérieux dans le cadre des élections” législatives en Pologne qui doivent se tenir l’automne prochain. La mise sous observation signifie que les activités de PKN Orlen vont être scrutées par le fonds qui, pourrait s'en retirer en cas d'infraction aux critères d'éthique qui régissent sa gestion.

Alors que PKN Orlen avait justifié son rachat de Polska Press, qui édite 24 journaux régionaux très influents, par une nouvelle stratégie commerciale, le groupe n’a pas hésité, après l’acquisition, à remplacer les journalistes critiques par des cadres proches du gouvernement, notamment ceux de la télévision publique TVP transformée depuis longtemps en un média de propagande du PiS. Le conseil d’éthique du fonds norvégien reconnaît ce remplacement et les inquiétudes, exprimées par RSF, sur l’intervention dans l’indépendance éditoriale des médias.

La Commission européenne cite amplement les publications de RSF dans ses rapports annuels sur l'État de droit dans les 27 États membres de l’Union européenne, dont la Pologne.

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