Les autorités locales emploient le passage à tabac pour faire taire les journalistes

Reporters sans frontières condamne avec force le comportement des autorités locales turques après deux agressions de journalistes, commises en juillet 2009 dans les villes de Gerger (sud-est) et de Söke (sud-ouest). « En Turquie, les fonctionnaires locaux n’hésitent pas à tabasser des journalistes critiques à leur égard. Ces passages à tabac sont fréquents et inadmissibles. Nous demandons au pouvoir central de mieux surveiller et sanctionner les élus ou fonctionnaires locaux qui se livrent à de tels actes », a déclaré l’organisation « Nous demandons que des enquêtes et des procès exemplaires soient ouverts autour de chaque cas d’agression de journaliste dans l’objectif de décourager ceux qui souhaiteraient encore s’en prendre à la liberté d’expression», a ajouté Reporters sans frontières. Le 28 juillet, le journaliste Haci Bogatekin a été victime d’une agression alors qu’il enquêtait sur la négligence des autorités dans l’incendie d’une déchetterie située non loin du village de Budakli (sud-est du pays). Le journaliste et propriétaire du journal bimensuel Gerger Kirat a été blessé et son appareil photo endommagé. Haci Bogatekin a déclaré que ses agresseurs étaient Ilhan Karatekin, le frère du maire de Gerger dans la province d’Adiyaman (sud-est du pays), ainsi que d’autres employés de la mairie. Ilhan Karatekin a été placé en garde-à-vue. Lors de l’agression, il aurait averti le journaliste que « seul lui et son frère (étaient) les maîtres de Gerger », et que personne ne pouvait s’opposer à eux. Haci Bogatekin avait également dénoncé dans son journal le fait que la municipalité ne payait pas ses employés. Ce n’est pas la première fois que les autorités s’acharnent contre ce journaliste âgé de 58 ans. En 2008, il avait passé plusieurs mois derrière les barreaux pour avoir critiqué la politique des autorités régionales ainsi que pour avoir mis en question l’impartialité du procureur chargé de son dossier. Son fils, Özgür Bogatekin, a été condamné le 13 mai dernier à 14 mois et 17 jours de prison pour le même motif. Il a mis en ligne sur le site gergerfirat.net un article intitulé « Maintien en détention », dans lequel il critiquait l’absence du procureur chargé de l’audience du 30 juin 2008 à l’issue de laquelle il avait été décidé de prolonger la détention de son père. Par ailleurs, le 16 juillet, le procès des agresseurs présumés du journaliste Diya Yarayan s’est poursuivi. La cour de Siirt (sud-est du pays), saisie de cette affaire, a décidé de maintenir en détention les quatre suspects, mais elle n’ouvre pas d’enquête sur celui que le journaliste tient pour le commanditaire de son agression, à savoir, le chef départemental des Services sociaux, Hifzullah Canpolat. Le procès se poursuivra le 13 août prochain. Diya Yarayan, propriétaire du journal Siirt Birlik, a été hospitalisé le 17 février 2009, suite au passage à tabac dont il a été victime. Dans les mois qui ont précédé l’agression, il avait reçu, à plusieurs reprises, des lettres de menace. Son journal connaît, depuis longtemps, de grandes difficultés financières. Autre affaire, l’agression le 7 juillet de Durmus Tuna, propriétaire du quotidien Söke Gerçek paraissant dans le district de Söke (sud-ouest du pays). Ses agresseurs lui ont brisé le bras droit sous les yeux de sa fille de 8 ans. Six personnes sont actuellement en détention dans le cadre de cette affaire. Après son agression, Durmus Tuna a déclaré que cela faisait trois mois qu’il recevait sans cesse des menaces au téléphone car il enquêtait sur certaines affaires frauduleuses de la municipalité. Il a déclaré que, le 29 juin, le maire de Söke en personne, Necdet Özekmekçi, l’avait menacé physiquement, lui et sa famille. La Turquie occupe le 103e rang du classement 2008 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on 20.01.2016