Les agressions et les arrestations arbitraires pleuvent contre les journalistes, rendant le travail de la presse impossible au Kurdistan irakien

Reporters sans frontières condamne la multiplication des agressions physiques et des arrestations de journalistes couvrant les manifestations à Kalar, Suleimanieh et Erbil au cours de ces derniers jours. Le fait de tirer à balles réelles, à l’aveugle, sur les manifestants et les journalistes, est inacceptable. En outre, les professionnels de l’information sont systématiquement traqués par les forces de sécurité et parfois traduits en justice puis condamnés. Nous appelons les autorités de la province à garantir leur protection et leur droit à travailler librement. Le 18 avril 2011, des journalistes couvrant le rassemblement organisé à Erbil ont été agressés par les forces de l’ordre et certains d’entre eux ont été arrêtés. Jiyar Omer, journaliste pour le journal Hawlati et Shiwan Sidi, journaliste au Civil Magazine, ont été frappés par des policiers en civil puis transférés à l'hôpital, lui cassant la main du dernier, tandis que Awara Hamid, journaliste du journal Rozhnama et pour le site d’informations Sbeiy, Bahman Omer, journaliste au Civil Magazine, Hajar Anwar, chef de la chaîne Kurdistan News Network (KNN) et Mariwan Mala Hassan, reporter pour KNN, ainsi que deux cameramen ont été attaqués par les forces de l’ordre puis emmenés au poste de police, où ils sont restés menottés pendant deux heures. Hiwa Omer, journaliste à Azadi, a également déclaré avoir été attaqué par les forces de sécurité à Erbil. Yahiya Barzanji, correspondant d’Associated Press, et Sirwan Kharib, correspondant du journal Awene, ont été, quant à eux, touchés par des gaz lacrymogènes. Rasul Hussein, rédacteur en chef du Samal Post a déclaré à Reporters sans frontières avoir été kidnappé, au cours des mêmes évènements, par des inconnus. Il a été emmené au village de Qushtapa à 10 km au sud-est d’Erbil avant d’être relâché quelques heures plus tard. La veille, Shnur Muhammad, journaliste pour Hawlati, a été blessée par balle par les forces de sécurité de l’Union patriotique du Kurdistan alors qu’elle couvrait des manifestations à Suleimanieh. Touchée par une balle à la main, elle a été transférée à l’hôpital où elle a dû être opérée. Le même jour, Farouq Rafiq, philosophe et journaliste kurde, a été condamné pour diffamation, par le tribunal civil de Suleimanieh, à une amende de 200 dinars irakiens ou un mois de prison tandis que son épouse Nask Qadr, sociologue et journaliste, est également poursuivie pour diffamation. Enfin, des défenseurs de la liberté de presse sont systématiquement traqués. Ahmed Mira, rédacteur en chef et propriétaire de Lvin Magazine, connu pour ses positions militantes en faveur de la liberté de la presse, a été attaqué à Kalar, le 14 avril 2011, par des membres de Asayesh, les forces de sécurité de l’UPK, alors qu’il participait à la commémoration du 23ème anniversaire de l’Anfal, où des populations kurdes avaient été massacrés par le régime de Saddam Hussein en 1988. Interrogé par Reporters sans frontières, Ahmed Mira témoigne : « Depuis le 17 février, les Kurdes ne participent plus aux événements organisés par le PDK (Parti démocratique du Kurdistan) et l’UPK (Union Patriotique du Kurdistan). Enseignant à l’université de Kalal, j’ai décidé de participer à la cérémonie organisée spontanément par les étudiants en souvenir de l’Anfal. Des membres des Asayesh sont venus me demander qui était ‘Ahmed Mira’. Quand je leur ai répondu que c’était moi, ils ont aussitôt commencé à me battre. J’ai reçu des dizaines de coups. Heureusement que les étudiants étaient là pour me porter secours. » Encerclé par les forces de sécurité, il n’a pu rejoindre son domicile, à Suleimanieh, qu’après l’intervention du Premier ministre Barham Salih. Ahmed Mira a décidé de lancer des poursuites contre les forces de sécurité. Son agression a provoqué de larges mouvements de soutien au sein des étudiants.
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Updated on 20.01.2016