Le statu quo est un moindre mal

Reporters sans frontières encourage le statu quo concernant la gouvernance mondiale d’Internet et ne souhaite pas la mise en place d’un système intergouvernemental. Le 30 septembre 2009 expire le contrat de gouvernance d’Internet (régulation du Réseau au niveau mondial) qui lie l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), entreprise à but non lucratif établie en Californie, et le gouvernement des Etats-Unis. L’avenir reste incertain entre la poursuite de cette gouvernance, et d’autres modèles comme celui voulu par Viviane Reding, la commissaire européenne chargée de la société de l’information et des médias. Celle-ci recommande un G-12 de l’Internet, incluant un organe judiciaire indépendant pour surveiller l’ICANN entièrement privatisée. "Personne ne sous-estime le risque qu'il y a à conserver un système de gouvernance d'Internet qui réside entre les mains d'un seul organisme. En revanche, faute d'une meilleure solution à l'heure actuelle, nous pensons qu'il vaut mieux ne pas toucher à ce mécanisme. La proposition de l'Union européenne de mettre en place une sorte de G-12 de l'Internet nous paraît dangereuse. Si elle était appliquée, rien n'empêcherait les pays qui censurent Internet chez eux - comme la Chine, l'Arabie saoudite ou la Birmanie - de tout mettre en œuvre pour restreindre l'accès à la Toile, au niveau mondial cette fois. Il est hors de question que des gouvernements qui empêchent leurs citoyens d'avoir librement accès au web soient demain les grands manitous de l'Internet mondial. Nous préférons encore le système actuel qui, malgré ses défauts et faiblesses, n'a jamais remis en cause la libre circulation des informations sur le Net", a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Nous demandons au président Barack Obama de ne pas se précipiter et ne prendre aucune décision qui risque de porter un tort considérable au droit de tous à accéder à une information libre sur Internet. Une extrême prudence est nécessaire dans ce dossier", a-t-il ajouté. L’ICANN est un organisme américain établi en 1998 en Californie par un accord conclu avec le gouvernement américain, que le président Bill Clinton a progressivement privatisé. Il gère le système d’adresses Internet et, de fait, la connexion entre des millions d’ordinateurs, mais aussi de manière plus sensible les noms de domaines de haut niveau : .fr, .nk, .gouv… Cet accord arrive à son terme le 30 septembre, et aucune décision quant à l’avenir de la gouvernance d’Internet n’a encore été annoncée. La solution actuelle a été critiquée comme donnant trop de pouvoir à un seul Etat sur un outil mondial, aux enjeux financiers et politiques considérables. Cette situation présente en effet un risque, mais elle s’est avérée jusqu’à aujourd’hui plutôt favorable au développement d’Internet. La gouvernance de l’Internet par l’ICANN n’a pratiquement pas posé de problèmes, et a toujours bien fonctionné jusqu’à présent. Il n’y pas de raisons de penser qu’elle ne puisse continuer à compter du 30 septembre. Reporters sans frontières a déjà pris position concernant la gouvernance d’Internet (voir les communiqués http://www.rsf.org/spip.php?page=article&id_article=15564 et http://www.rsf.org/spip.php?page=article&id_article=24352). Mieux vaut ne rien changer à une situation plutôt bonne, à un réseau unique et indivisible tel que doit l’être un outil mondial, plutôt que d’imposer un modèle périlleux. De cette gouvernance, dépend la neutralité (unicité et indivisibilité du réseau) mondiale du Net. Le gouvernement chinois pourrait créer son propre système de noms de domaines en empêchant l’accès à ces sites depuis l’extérieur du pays, ou l’accès à des sites étrangers depuis l’intérieur.
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Updated on 25.01.2016