Le siège de la Radiotélévision ivoirienne (RTI) par plusieurs centaines de « Jeunes patriotes » a été levé, dans la nuit du 19 au 20 janvier 2006, et les programmes ont repris normalement, a appris Reporters sans frontières. La plupart des employés de la chaîne ont pu accéder à leur bureau et des discussions sont en cours pour « tirer les leçons de ces événements », selon une source proche de la direction.
Le siège de la Radiotélévision ivoirienne (RTI) par plusieurs centaines de « Jeunes patriotes » a été levé, dans la nuit du 19 au 20 janvier 2006, et les programmes ont repris normalement, a appris Reporters sans frontières. La plupart des employés de la chaîne ont pu accéder à leur bureau et des discussions sont en cours pour « tirer les leçons de ces événements », selon une source proche de la direction.
Après avoir occupé, le 18 janvier, les bureaux de la RTI et fait diffuser par la force des appels à « descendre dans la rue pour libérer le pays », environ 300 partisans du président Laurent Gbagbo s'étaient rassemblés devant l'immeuble de la chaîne, dans le quartier de Cocody. Le 19 janvier en fin de journée, ils juraient encore qu'ils resteraient « jusqu'à ce que les Casques bleus et la Licorne s'en aillent du pays ».
Après que le chef des « Jeunes patriotes », Charles Blé Goudé, avait donné l'ordre à ses partisans de cesser les manifestations, les barrages et les rassemblements installés depuis le 16 janvier dans l'agglomération d'Abidjan ont peu à peu été levés. Les journalistes ivoiriens ont été contraints de travailler dans un climat de menace permanente. Certains sont entrés dans la clandestinité quand d'autres ont été brutalisés et menacés de mort par des manifestants.
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18.01.2006 - La radiotélévision aux mains des Jeunes patriotes : « La RTI doit être sanctuarisée ou, à défaut, sa diffusion doit être interrompue »
Reporters sans frontières est scandalisée par le retour des appels à l'insurrection diffusés sous la menace, sur l'antenne de la Radiotélévision ivoirienne (RTI), par des manifestants se réclamant du président Laurent Gbagbo. L'organisation rappelle qu'elle avait déjà dénoncé, en novembre 2004, l'instrumentalisation des médias d'Etat ivoiriens par les « Jeunes patriotes », dans le but d'organiser les violences insurrectionnelles et de galvaniser ses partisans. Elle avait recommandé, en mai 2005, qu'une force militaire sécurise leurs sites et émetteurs, afin d'empêcher toute prise de contrôle violente d'un instrument de communication aussi puissant que la RTI et Radio Côte d'Ivoire (RCI) par des criminels de la parole publique.
« Les appels à la sécurisation des médias d'Etat n'ont pas été pris au sérieux et l'histoire, par conséquent, se répète, a déclaré Reporters sans frontières. Aujourd'hui que les médias d'Etat ivoiriens sont retombés aux mains de partisans de la violence, il n'y a plus de temps à perdre pour prendre des mesures énergiques. Avant que la situation ne dégénère, les sites de la RTI et de RCI doivent être sanctuarisés ou, à défaut, leur diffusion doit être interrompue. »
Le 16 janvier 2006 vers midi, plusieurs centaines de « Jeunes patriotes » se sont massés devant le siège de la RTI, dans le quartier de Cocody, à Abidjan, et ont exigé de « faire une déclaration en direct ». Selon plusieurs témoins oculaires, les manifestants auraient eu à leur tête le chef d'état-major des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI), le général Philippe Mangou, et le commandant du Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS), le colonel Georges Guiai Bi Poin. Alertés, les responsables de la chaîne ont refusé de céder à leurs exigences. Après que les manifestants avaient essayé de pénétrer de force dans le studio, les responsables de la chaîne ont tenté de négocier un compromis une partie de l'après-midi. Les manifestants ont finalement accepté le principe de la diffusion d'une déclaration en différé.
Le lendemain, une centaine de manifestants étaient toujours installés à proximité du siège de la RTI. L'enceinte de la radiotélévision avait été placée sous la protection de militaires ivoiriens. Un soldat, interrogé par Reporters sans frontières, a indiqué que la présence de son unité visait à dissuader les « Jeunes patriotes » d'investir l'immeuble.
Le 18 janvier, environ 300 manifestants ont pénétré à la mi-journée dans la cour de la RTI, après que les forces de l'ordre leur avaient ouvert les grilles. « Ils n'ont toutefois pu ouvrir les bureaux qui sont restés fermés », a indiqué à l'Agence France-Presse (AFP) une source proche de la direction. Après avoir menacé les techniciens présents, ils ont obtenu que soit diffusé un message du leader de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), Serge Koffi, demandant « à tous les jeunes de descendre dans les rues pour exiger le départ des forces impartiales et libérer totalement notre pays ». Celui-ci a notamment revendiqué avoir « pris » la télévision. Après le journal de 13 heures, l'antenne de la RTI a continué d'être occupée par les « Jeunes patriotes », qui ont lancé des mots d'ordre de mobilisation, appelant, vers 16 heures 30, les manifestants à « prendre l'aéroport ».
Dans un rapport de mission intitulé « Il est temps de ‘désarmer les esprits, les plumes et les micros' », Reporters sans frontières soulignait, en mai 2005, « l'urgence de sécuriser, par le déploiement d'une force conjointe (armée ivoirienne, casques bleus de l'ONU, soldats français de l'opération Licorne) les différents sites et émetteurs de la RTI et de RCI ». « Il est inconcevable qu'après l'expérience du coup de force du 4 novembre 2004, et sans même remonter à l'autoproclamation du général Gueï comme vainqueur de l'élection présidentielle en octobre 2000, la communauté internationale ne sanctuarise pas, à l'approche d'un scrutin décisif et d'une campagne électorale, l'objectif évident de toute tentative de faire déraper ce processus. Aussi, le déploiement d'une force conjointe - armée ivoirienne, casques bleus de l'ONU, soldats de l'opération française Licorne - s'impose-t-elle dans les meilleurs délais. Si cette force n'était pas mandatée par l'ONU pour combattre un éventuel agresseur de la RTI, elle devrait au moins avoir pour mission de neutraliser les antennes nationales dans le cas d'une prise de contrôle violente, qui entraînerait le risque de nouveaux appels publics au meurtre et à la haine », écrivait l'organisation.
Reporters sans frontières demandait en outre que ces installations soient également réparées et remises en marche à l'échelle du pays dans les meilleurs délais. Elle rappelait enfin que, depuis la partition du pays, l'ensemble du territoire national n'est plus couvert par le service public d'information, et que, dans le Nord, les fréquences de la radiotélévision publique sont occupées par la chaîne de propagande des Forces nouvelles (FN, ex-rebelles).