Le service public pris à la gorge par les autorités
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Pour avoir demandé au président de la République béninoise d’appliquer dans son pays les principes de liberté d’information qu’il reconnaît à l’extérieur, le journaliste de l’ORTB Ozias Sounouvou a été démis de son rôle de présentateur du journal télévisé. Une sanction qui n’étonne que peu tant l’étau du pouvoir béninois étouffe toute vélléité de reportage indépendant sur les ondes de la télévision publique.
Le 12 janvier, Ozias Sounouvou, présentateur du journal du soir sur la chaîne publique béninoise, l'ORTB, s’est adressé en direct au président Yayi Boni lui demandant de devenir le « Charlie ORTB (…) pour la liberté de la presse sur le service audiovisuel public au Bénin ».
Le journaliste faisait référence à la participation du président béninois à la marche des chefs d'Etat sous le mot d'ordre "Je suis Charlie", suite aux attentats de Charlie Hebdo.
Dans cette intervention, il demandait « l'ouverture des antennes de la télévision nationale au vrai débat contradictoire sur les grandes questions politiques et autres qui engagent le présent et l'avenir de la Nation ». Une demande controversée quand on sait la mainmise que la présidence exerce sur l’ORTB.
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Quelques jours plus tard, le 1er février, Ozias Sounouvou était écarté de l’antenne par sa direction.
« Nous demandons au président Boni Yayi de desserrer l'étau autour de l'ORTB afin de permettre aux journalistes du service public de faire leur métier librement et de traiter l'actualité de manière professionnelle et pluraliste, déclare Cléa Kah-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Le service public a un rôle citoyen à jouer et ne devrait pas être la chasse gardée du régime au pouvoir. Il ne faut pas confondre télévision publique et télévision d'Etat».
Ozias Sounouvou a été muté au service reportage où il traite de sujets peu sensibles tels que des soirées caritatives ou des séminaires.
Son collègue, Prévert Noutèhou, présentateur du 20h00, s'est lui aussi vu écarté de son poste, sans aucun motif officiel, après avoir défendu l'acte de son confrère sur les ondes de RFI.
Ce n'est pas la première fois que des journalistes qui “osent” demander les conditions nécessaires pour exercer leur métier librement sur l'ORTB se retrouvent punis de leur témérité.
En 2014, trois journalistes avaient également été « mutés » hors antenne, à l'issue d'une pétition demandant le droit d’organiser un débat pour traiter des suites de « l'affaire Talon » du nom d’un riche homme d’affaire accusé d’avoir tenté d'empoisonner le président Boni Yayi.
En revanche, un journaliste, dont le reportage plus que tendancieux sur les manifestations de l'opposition en décembre 2014 avait été critiqué comme une atteinte à la déontologie par l'union des journalistes de l'ORTB, s'est retrouvé, lui, promu au service vidéo de la Présidence.
Une présidence qui occupe, voire monopolise le temps d'antenne. Du jamais vu, même sous le régime militaire. Les journaux se concentrent en général sur la couverture de l'actualité présidentielle, la chaîne revient fréquemment sur les activités du chef de l'Etat, retransmettant ses discours in extenso et autres apparitions. Cette actualité présidentielle bouleverse de façon quotidienne les émissions prévues, rendant tout établissement de grille de programme impossible. La mainmise du président sur la chaîne est totale, semant l'autocensure sur son passage.
Malgré une image plutôt positive, le Bénin ne s'illustre pourtant pas par son respect des libertés de la presse et des journalistes. En juin 2014, le directeur de publication de L’Indépendant, John Akintola, a écopé de 36 mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir "offensé" le chef de l’Etat.
Le 17 mai, le journaliste François Yovo, directeur de publication de l’organe de presse Libération a été transféré à la prison civile de Cotonou pour purger une peine de trois mois, à laquelle il avait été condamné en novembre 2013 pour "diffamation".
Le Bénin occupe la 75e position du Classement mondial sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on
20.01.2016