Mikhlif Al-Shammari, écrivain et activiste de renom poursuivi à plusieurs reprises par la justice, a été
condamné le 3 novembre 2014 à deux ans de prison et 200 coups de fouet par la cour criminelle spécialisée de la ville de al-Khobar. Cette condamnation a lieu quelques semaines après sa convocation au département des Services secrets où il avait reçu l’ordre du ministère de l’Intérieur de fermer son compte Twitter (@mikhlif) sous 48 heures. Il a 30 jours pour faire appel de cette décision.
De son côté,
Souad Al-Chammari,
première avocate du pays, activiste et co-fondatrice du site désormais fermé
Saudi Liberal Network avec Raef Badawi, a été arrêtée le 28 octobre 2014, après avoir été interpellée pour interrogatoire concernant des tweets publiés sur son compte jugés
insultants pour l’islam et portant “atteinte à l’ordre public”. Elle est actuellement dans une
prison à Jeddah.
«
Nous dénonçons la politique répressive du régime saoudien à l’encontre des voix dissidentes qui s’exerce de plus en plus sur Internet, déclare Virginie Dangles, adjointe à la directrice des programmes de Reporters sans frontières.
Nous exhortons les autorités à revenir sur leur verdict, à libérer et abandonner toute poursuite judiciaire contre les net-citoyens et activistes des droits de l’homme dont le droit à la liberté d’expression et d’information est bafoué ».
Selon le
GCHR, Mikhlif Al-Shammari est officiellement accusé d’avoir organisé un dîner lors de sa sortie de prison en 2012 avec des dissidents sans autorisation, d’avoir fréquenté des dignitaires religieux chiites et d’avoir provoqué l’opinion publique en rappelant l’importance de la coexistence entre sunnites et chiites. Dans une lettre adressée à la commission des droits de l’homme du royaume, cet activiste,
connu pour son rôle de soutien et solidarité envers la minorité chiite du pays, confirme avoir tweeté un appel à la coexistence entre sunnites et chiites et avoir précisé qu’il allait prier à Sihat, ville chiite, de la même manière qu’il confirme son soutien à cette minorité qui demande l’application de réformes politiques et sociales depuis 2011.
Harcelé par les forces de sécurité
depuis 2007 pour son activisme et critiqué publiquement par son fils depuis quelques années, Mikhlif Al-Shammari est actuellement poursuivi pour deux affaires, ayant fait l’objet de plusieurs poursuites judiciaires dans le passé. Il avait été
condamné en juin 2013 à cinq ans de prison par la cour pénale de Jeddah, avec interdiction de quitter le territoire pendant 10 ans et de paraître ou d’écrire dans les médias pour avoir diffusé une vidéo sur YouTube et pour l’ensemble de ses articles. Il était accusé d’“atteinte à la réputation du royaume auprès des opinions publiques, nationales et internationales”, “insultes au clergé”, “incitation à la division du peuple”. La cour pénale de Riyad avait confirmé ce verdict le 4 mars 2014, et la décision avait été maintenue par la cour d’appel en juillet 2014.
Il avait été
arrêté le 15 juin 2010 pour ses publications sur les sites d’informations
Saudiyoon et
Rasid, critiquant des responsables politiques et religieux. Il avait été relâché en 2012 en attente de son jugement.
De son côté, Souad Al-Chammari est poursuivie pour ses
tweets jugés critiques à l’encontre de l’islam et des hommes religieux. Parmi les tweets qui ont fait polémique: un tweet publié en 2013 où elle critique l’affirmation religieuse selon laquelle les croyants musulmans devraient porter la barbe pour se distinguer des non-croyants; mais également un tweet récent dans lequel elle publie une image d’un homme qui embrasse la main d’un dignitaire religieux en
critiquant l’arrogance et la fierté de l’homme de religion.
Pour rappel, l’Arabie saoudite figure à la 164ème place sur 180 au
Classement mondial de la liberté de la presse. Le roi Abdallah ben Abdelaziz Al-Saud a été désigné Prédateur de la liberté de la presse, et le pays listé Ennemi d’Internet.