Le roi détruit systématiquement quinze ans d'acquis en matière de liberté de la presse

Les principales rédactions de Katmandou sont sous le contrôle direct de l'armée, tandis que des dizaines de médias ont été fermés en province. Un célèbre éditorialiste a été arrêté et le président de la Fédération des journalistes népalais est en fuite. Reporters sans frontières dénonce une criminalisation du droit à informer.

Depuis le coup d'Etat du 1er février 2005, le roi Gyanendra et l'armée royale mettent à mal la liberté d'expression. Les médias publics et une dizaine de médias privés sont sous le contrôle direct des militaires. Des dizaines de médias ont été fermés en province. Les autorités ont interdit, pour une durée de six mois, la publication de toute information négative sur le régime. Des dizaines de journalistes sont pourchassés par les forces de sécurité, notamment le président de la Fédération des journalistes népalais. Enfin, les correspondants des médias étrangers sont empêchés de travailler librement. Reporters sans frontières est indignée par la violence avec laquelle le roi Gyanendra détruit systématiquement les acquis démocratiques, et notamment la liberté de la presse, dont bénéficiait le Népal depuis 1990. « Le souverain se rend responsable du plus important recul des libertés depuis quinze ans. Il criminalise le droit à informer et a mis à genoux une presse indépendante vibrante et courageuse », a affirmé l'organisation qui se déclare solidaire de l'appel de la Fédération des journalises népalais (FNJ) à manifester pour défendre la démocratie. Reporters sans frontières demande à la communauté internationale d'envisager dans les meilleurs délais le gel de l'aide au gouvernement népalais. L'organisation défend l'idée que les fonds soient conditionnés au respect des libertés fondamentales, notamment la liberté d'expression. Depuis trois ans, Reporters sans frontières dénonce le roi Gyanendra comme un prédateur de la liberté de la presse. Le souverain a couvert et justifié les exactions que huit experts des Nations unies ont qualifié, en 2004, d'« extrêmement graves », notamment en raison de la multiplication des détentions au secret et de la généralisation de la torture. Près de 400 journalistes ont été interpellés ou arrêtés en 2004 par les forces de sécurité. Les rares informations qui filtrent du Népal, coupé du monde depuis le 1er février, témoignent d'une reprise en main très sévère de la presse publique et privée. Des militaires sont chargés de censurer les programmes de la télévision d'Etat, tandis que des officiers se sont installés dans les rédactions des principaux médias privés, notamment le quotidien Kantipur. La rédaction de l'hebdomadaire Janaastha, connu pour ses critiques envers le palais, a été investie le 1er février par une vingtaine de militaires qui ont séquestré sur place les journalistes pendant vingt-quatre heures. Un officier est resté pour censurer les articles. Le célèbre éditorialiste Khagendra Sangraula du Kantipur, connu pour ses critiques envers le palais, a été placé en détention dans une caserne de l'armée à Katmandou. Le travail des rares correspondants de la presse étrangère a été entravé. D'après l'agence de presse Reuters, des propriétaires d'hôtels ont refusé que des équipes de télévision étrangères installent des antennes paraboliques sur le toit de leurs établissements. Le 4 février, la police militaire a brièvement détenu et confisqué le matériel d'une dizaine de journalistes népalais et étrangers, notamment les correspondants de l'agence Associated Press, qui couvraient l'arrestation d'une cinquantaine de militants du Parti du Congrès. Selon la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Tara Nath Dahal, le président de la FNJ est en fuite après que les forces de sécurité ont tenté de l'arrêter à son domicile. La FNJ avait dénoncé un « coup d'Etat contre la démocratie » et appelé les journalistes à combattre avec courage et détermination pour garantir le droit des Népalais à l'information. Egalement selon la FIJ, les militaires ont imposé la censure dans tout le pays. A Pokhara (Centre), où l'armée à tiré sur une foule d'étudiants, tous les médias ont été fermés par l'armée. « Vous ne pouvez plus publier d'informations. C'est la responsabilité des quotidiens de Katmandou », aurait affirmé un officier à un journaliste de la ville. Toutes les radios communautaires népalaises ont été fermées, tandis que la plus ancienne de ces stations, Radio Sagarmatha, est maintenant contrôlée par l'armée. Les programmes d'information y sont interdits. Dans le district de Rupandehi (Ouest), les militaires ont ordonné aux deux radios FM et aux quatre publications locales de fermer.
Publié le
Updated on 20.01.2016