Le reporter indien Shashikant Warishe assassiné pour un article publié le jour même

Basé dans l’État du Maharashtra, en Inde de l’ouest, ce journaliste enquêtait depuis plusieurs mois sur un projet d'implantation d’une raffinerie de pétrole impliquant des expropriations illégales. Reporters sans frontières (RSF) salue l’arrestation rapide du coupable présumé, et demande que les autorités provinciales veillent à ce qu’il soit traduit devant la justice.

Impossible de ne pas faire le lien… Quelques heures après la publication d’un article mettant en cause un potentat local, le journaliste Shashikant Warishe a été fauché par un 4x4, lundi 6 février vers 13 h 30, alors qu’il circulait à deux-roues près de Rajapur, une ville située au sud de Bombay, dans l’ouest de l’Inde. Son corps a été traîné par le véhicule sur une centaine de mètres. Transféré à l’hôpital, il a succombé à ses blessures le lendemain matin.

“L’assassinat sordide de Shashikant Warishe, qui avait fait part de menaces de mort à son endroit, est absolument insupportable, regrette le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Nous saluons l’action rapide des enquêteurs de police, et demandons au parquet de l’État du Maharashtra, en charge de ce dossier, de veiller à ce que le ou les coupables présumés soient transmis devant la justice. Face à ce crime immonde, l’impunité n’est pas de mise.”

Publié en une du Mahangari Times, un quotidien local en langue marathe, l’article en question était consacré à un certain Pandharinath Amberkar, un homme d’affaires qui mène des actions de lobbying pour l’installation d'un vaste projet de raffinerie de pétrole dans le district de Ratnagiri, où a eu lieu le meurtre du journaliste.

Intimidation et harcèlement

Shashikant Warishe couvrait depuis plusieurs mois les mouvements de protestation organisés par des résidents, victimes d’un projet d’expropriation illégale en lien avec cette implantation. Le reporter a plus précisément mis en lumière les agissements de Pandharinath Amberkar, qui multipliait les actions d’intimidation et de harcèlement pour faire plier les villageois.

Son article publié lundi matin, consacré à ce même Amberkar, demandait : “Pourquoi un homme connu comme un receleur pro-raffinerie s’affiche-t-il en compagnie du Premier ministre [et des dirigeants régionaux] ?” Selon le rédacteur en chef du Mahangari Times, Sadashiv Kerkar, cité par le site The Wire, le lobbyiste aurait eu vent de cet article avant même sa parution, après qu’il fut partagé par des résidents de Ratnagiri sur quelques réseaux sociaux privés.

Les premiers éléments de l'enquête ont permis à la police d’établir que c’était bien Pandharinath Amberkar qui était au volant du véhicule qui a tué le reporter. Il a été arrêté dans la nuit du 7 février et, inculpé pour meurtre, il est placé en détention provisoire jusqu’au mardi 14.

Législation imparfaite

En Inde, l’État du Maharashtra fait figure de pionnier dans la lutte pour la sécurité des journalistes, puisqu’il a adopté une loi en ce sens dès 2017. Malheureusement, la mise en application de ce texte s’avère largement inefficace.

Le meurtre de Shashikant Warishe, qui avait reçu des menaces de mort, vient rappeler les écueils de cette législation en terme de prévention des violences contre les professionnels des médias.

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