Le projet de loi sur la sécurité nationale au Royaume-Uni menace gravement le journalisme et la liberté de la presse

À la suite de sa deuxième lecture à la Chambre des lords, Reporters sans frontières (RSF) alerte sur la menace que fait peser le projet de loi sur la sécurité nationale sur les journalistes s’il est adopté tel quel : des journalistes partageant des fuites d’information dans l’intérêt public risqueraient d’être emprisonnés, s’ils sont employés par des organisations recevant des fonds d’autres pays.

“Cette inquiétante proposition législative est la dernière d’une longue série de tentatives du gouvernement britannique de restreindre le journalisme indépendant. L’amalgame injustifié entre journalistes et espions pourrait avoir de graves conséquences sur la liberté de la presse. Chaque aspect de ce projet de loi doit être révisé afin de respecter l’engagement pris par le gouvernement de protéger les journalistes.

Azzurra Moores
Directrice des campagnes de RSF au Royaume-Uni

Aux côtés d’une coalition d'organisations de journalistes et de défense de la liberté de la presse, RSF a présenté des preuves écrites justifiant les sérieuses inquiétudes suscitées par le projet de loi. La demande de la coalition de rencontrer le ministre d’État à la Sécurité, Tom Tugendhat, est, jusqu’à présent, restée sans réponse. 

Dans sa version actuelle, le projet de loi criminalise les journalistes qui traitent, obtiennent, détiennent, diffusent ou fournissent un accès à des “informations protégées” dans le cadre de leur travail s’il sont employés par des organisations qui reçoivent des fonds en dehors du Royaume-Uni. Cela inclut des réseaux de radio-télévision internationaux établis tels que Raidió Teilifís Éireann (RTÉ Irlande), Australian Broadcasting Corporation (ABC) et National Public Radio (NPR). Bien que ces médias soient basés à l’étranger, ils opèrent à l’intérieur et diffusent des informations à partir du Royaume-Uni, jouant ainsi un rôle essentiel dans la pluralité des médias. 

La définition large et imprécise de ces  infractions et l’absence de défense de l’intérêt public pourraient permettre à cette loi d’être utilisée pour éviter le nécessaire examen public du gouvernement, au lieu de constituer une protection vis-à-vis des préoccupations légitimes de sécurité nationale. L’absence d’infraction d’intérêt public ne donnerait pas la possibilité aux journalistes de défendre leur travail s’ils sont condamnés en vertu de cette loi – une inquiétude également soulevée par la Commission des lois dans son rapport sur la loi sur les secrets officiels. 

Présenté en deuxième lecture à la Chambre des lords le 6 décembre, le projet de loi sera à présent examiné en commission. Les précédentes lectures à la Chambre des communes ont renforcé les craintes qu’il constitue une menace pour la liberté de la presse, les propositions d’inclure un amendement pour la défense de l’intérêt public n’ayant pas été intégrées au débat. 

RSF a depuis longtemps tiré la sonnette d’alarme sur les conséquences néfastes du fait de traiter la publication de fuites d’information comme une activité criminelle. Les journalistes ont le droit et le devoir de rapporter l’information dans l’intérêt du public – un droit trop souvent mis en question au Royaume-Uni au nom de la sécurité nationale.

Le Royaume-Uni occupe la 24e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.

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