Le procès des membres de l’État islamique accusés d’avoir enlevé et torturé quatre journalistes français est crucial pour la reconstruction de la Syrie post-Assad

Alors que le procès en France de cinq hommes accusés d'avoir retenu quatre journalistes français débute à Paris, Reporters sans frontières (RSF) salue un pas crucial vers la justice pour ces professionnels de l’information. La lutte contre l'impunité est un volet essentiel de la reconstruction en cours dans l’ère post-Bachar al-Assad qui vient de s’ouvrir.

Le procès débute deux mois après la chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie. La symbolique est forte pour le long combat qui s’ouvre dans la lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes pendant plus de dix ans de guerre. 

Didier François et le photographe Édouard Elias ont été enlevés près d'Alep le 6 juin 2013 alors qu'ils travaillaient pour la radio française Europe 1. Deux semaines plus tard, le reporter du Point Nicolas Hénin et le photographe Pierre Torrès ont également été pris en otage près de Rakka. Alors que les cinq membres présumés de l’État islamique, principaux accusés dans cette affaire, ont nié, au premier jour du procès, avoir enlevé et torturé les quatre journalistes français, les reporters kidnappés ont réitéré reconnaître leurs geôliers.

Un procès historique pour la Syrie

Ce procès, qui va durer cinq semaines, est historique pour tous les journalistes victimes d’exactions en Syrie. Plus de 20 journalistes enlevés par l'État islamique sont toujours portés disparus en Syrie, selon les informations de RSF. Le groupe est également accusé d'avoir assassiné 22 reporters à Raqqa depuis sa prise de pouvoir en 2013. Le régime de Bachar al-Assad et ses alliés ont quant à eux tué au moins 181 journalistes depuis 2011 et emprisonné des dizaines d'autres pour leur travail. Au total, au moins 32 professionnels des médias restent portés disparus en Syrie.

Alors que le nouveau gouvernement syrien se met en place, RSF a formulé, en janvier, sept recommandations aux nouvelles autorités pour une presse libre en Syrie. Parmi ces points figure la nécessité de rendre justice aux journalistes victimes de l’État islamique entre 2013 et 2017 et de lutter contre l’impunité de l’ensemble des crimes commis contre les professionnels de l’information.

“RSF est solidaire des journalistes Didier François, Édouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre Torrès. Nous saluons ce procès crucial de ceux qui les ont présumément enlevés et torturés en Syrie. Le procès est aussi important sur le fond que sur la forme. Il porte en lui la promesse de justice pour tous les autres journalistes de Syrie, qu'ils soient victimes de la violence gratuite de l'État islamique comme les quatres journalistes, du régime brutal de Bachar el-Assad, ou des autres factions. Nous espérons que les témoignages recueillis au cours des cinq semaines à venir pourront aider à faire la lumière sur le sort de dizaines d’autres journalistes toujours portés disparus dans le pays, et fournir des informations sur les circonstances de l’assassinat d’autres reporters. RSF continuera à œuvrer pour que justice soit rendue à tous les journalistes victimes d'exactions en Syrie.

Anne Bocandé
Directrice éditoriale de RSF
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