Le président Lula met son veto à la proposition de loi sur la réglementation du métier de journaliste
Reporters sans frontières appelle le président Luiz Inácio Lula da Silva à s'opposer, le 27 juillet 2006, à une nouvelle législation réglementant le métier de journaliste. L'organisation craint que la nouvelle loi n'établisse un clivage entre les « journalistes autorisés » et les autres, et rappelle que la qualité de journaliste ne doit pas relever d'une autorisation administrative.
Reporters sans frontières estime à la fois liberticide et dangereuse la nouvelle législation fédérale sur la réglementation du métier de journaliste, votée au Sénat au cours de la première semaine de juillet. Le texte doit être soumis le 27 juillet 2006 à l'approbation du gouvernement. L'organisation espère que le président Luiz Inácio Lula da Silva y mettra son veto. “Il y a deux ans, le gouvernement fédéral avait déposé un projet de loi de réglementation de la profession de journaliste, du même type que la proposition de loi aujourd'hui présentée par le Congrès. Il serait curieux que l'exécutif avalise maintenant ce à quoi il avait renoncé hier. Surtout, ces tentatives d'encadrement du métier de journaliste risquent de créer un clivage liberticide et dangereux entre des journalistes ‘officiels' ou ‘reconnus', et des journalistes ‘clandestins' ou ‘marginaux'. Est par définition journaliste celui qui traite et produit de l'information, non pas celui qui est autorisé à l'être en vertu d'un diplôme ou d'une affiliation corporatiste. Comment le président Lula pourrait-il accepter cette nouvelle législation, quand lui-même a signé, le 3 mai dernier, la Déclaration de Chapultepec de 1994 sur la liberté de la presse. Il y aurait là une contradiction juridique et politique évidente”, a déclaré Reporters sans frontières. La proposition de loi dite de “valorisation de la profession de journaliste” a été présentée au Congrès de Brasilia à l'initiative du député Pastor Amarildo. Elle a déjà été votée au Sénat et discutée une première fois à la Chambre des députés sans être amendées. Elle doit recevoir l'aval, total ou partiel, ou le veto de la présidence de la République le 27 juillet. Le texte reprend en partie les dispositions d'un projet de loi avorté, présenté deux ans plus tôt par le gouvernement. L'une d'elles prévoit d'élargir de 12 à 23 le nombre de fonctions relatives aux métiers de l'information et de la communication, dont l'exercice impliquerait l'obtention préalable d'un diplôme de journalisme. Seraient concernés, entre autres, les photographes, les reporters d'images, les infographistes, les illustrateurs, les archivistes, les professeurs de journalisme et les commentateurs sportifs. Le Conseil national des archives a fait valoir que la qualité d'archiviste était déjà réglementée par une loi de 1978. La profession est elle-même très divisée. La Fédération nationale des journalistes (Fenaj) et plusieurs syndicats de journalistes approuvent la proposition de loi tandis que l'Association nationale des journaux (ANJ) et plusieurs grands titres la dénoncent vivement. Pour les premiers, il s'agit d'établir un cadre plus protecteur pour les journalistes soumis, il est vrai, à des conditions de travail précaires. Pour les seconds, la législation risque d'entraîner un empiètement voire un contrôle des médias par le pouvoir politique. La polémique porte aussi sur l'autre volet de la proposition de loi : la création d'une entité régulatrice sur le modèle du Conseil fédéral du journalisme (CFJ) qui, dans le précédent projet de loi, avait vocation à “orienter, discipliner et contrôler” la profession, à attribuer des cartes de presse et à appliquer des sanctions administratives le cas échéant. Le tollé soulevé par cette disposition, que la nouvelle législation réintroduit sous une forme moins contraignante, avait obligé le gouvernement à retirer son projet de loi. Le 3 mai dernier, date de la Journée internationale de la liberté de la presse, le président Luiz Inácio Lula da Silva a paraphé la Déclaration de Chapultepec, élaborée le 11 mars 1994 par la Société interaméricaine de presse (SIP), signé à ce jour par presque tous les représentants des Etats du continent américain. La Déclaration de Chapultepec s'appuie sur une définitition large de la liberté d'information et d'expression. Elle réaffirme que le droit d'informer et d'être informé “n'est pas une concession des Etats, mais un droit fondamental et inaliénable des populations“. Parmi les principes qu'elle énonce, elle exclut notamment l'adhésion obligatoire des journalistes à une association professionnelle (point 8).