Le Parlement annule la création de l’Ombudsman pour l’information

Le 21 décembre 2010, le Parlement azerbaïdjanais a amendé, à une écrasante majorité (une voix contre), la loi constitutionnelle sur la création d’un ombudsman (médiateur) pour l’information, annulant de fait la naissance attendue d’une telle institution. Adoptée en 2005 sur avis du Conseil de l’Europe, la loi constitutionnelle prévoyait la création d’un ombudsman et d’un institut chargés des questions d’accès de la population à l’information. Ni l’un ni l’autre n’ayant jamais vu le jour, les amendements votés le 21 décembre prévoient de transférer leurs prérogatives à la médiatrice déjà existante, chargée de la protection des droits des citoyens, Elmira Souleïmanova. Ce projet d’amendements, étudié par le comité parlementaire pour la politique législative, la construction de l’Etat et les droits de l’homme, a été initié par le président Ilham Aliev. Les autorités azerbaïdjanaises vont ainsi à l’encontre des recommandations du Conseil de l’Europe. Reporters sans frontières condamne fermement ces amendements qui réduisent le droit à l’accès à l’information de la population azerbaïdjanaise. Le revirement des autorités représente également une grave régression dans la protection des droits des médias et des journalistes, déjà largement bafoués. Elles suppriment ainsi tout simplement l’instance chargée de jouer le rôle de médiation entre les journalistes et les autorités publiques, pour éviter des recours devant les tribunaux, comme le recommande le Conseil de l’Europe. Cela signifie que l’actuelle ombudswoman, Elmira Souleïmanova, sera amenée à défendre en même temps les droits des citoyens et les droits des journalistes. Selon certains députés, l’extension de ses pouvoirs risque de compliquer ses activités, déjà nombreuses, ou pire, d’anéantir l’esprit de la loi de 2005, la transformant en une coquille vide. Les détracteurs de l’ombudsman pour l’information arguent que sa création risque de dédoubler les fonctions des différents ombudsmen. Elmira Souleïmanova illustre cette considération par l’exemple de la Suède qui disposait à l’origine de neuf ombudsmen et où il n’en reste aujourd’hui plus que quatre. Un tel mandat paraît pourtant trop important pour être rempli par une seule personne. D’autant plus que la question des droits des citoyens est très différente de celles de l’accès à l’information et des droits des journalistes. Par ailleurs, l’actuelle ombudswoman a des convictions progouvernementales. Un trait incompatible avec les recommandations du Conseil de l’Europe, appelant les Etats membres à garantir à l’ombudsman une indépendance totale, des moyens financiers et matériels suffisants, un accès aux informations nécessaires à l’exercice de sa tâche, la présentation d’un rapport d’activité annuel au Parlement et sa diffusion, et l’application dans la mesure du possible de ses décisions. Comme pour toute loi constitutionnelle, l’application de cet amendement ne sera possible qu’après un second vote qui doit avoir lieu dans six mois. Reporters sans frontières demande au Conseil de l’Europe et aux gouvernements membres d’appeler les parlementaires azerbaïdjanais à voter contre.
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Updated on 20.01.2016