Le journaliste Youssef Shayeb a été libéré mais risque toujours un procès pour diffamation
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Reporters sans frontières a appris avec soulagement la libération, le 2 avril 2012, du journaliste Youssef Shayeb, après le versement de deux cautions s’élevant chacune à 5 000 dinars jordaniens (environ 5 200 euros). Toutefois, l’organisation reste préoccupée par le fait que l’enquête n’a pas été close. “Nous demandons l’abandon immédiat des charges qui pèsent contre le journaliste. Le harcèlement doit cesser”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le journaliste était détenu depuis le 26 mars 2012, suite à deux plaintes pour “diffamation” déposés par le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riad Al-Malki, et par le chef de la Mission de Palestine en France, Hael Al-Fahoum, son adjoint, Safwat Ibraghit, et la veuve du brigadier-général Jad Tayeh.
Ces plaintes font suite à un article de Youssef Shayeb dans le quotidien jordanien Al-Ghad, datant du 30 janvier 2012. Le journaliste y faisait part d’informations qu’il avait obtenus auprès de sources anonymes selon lesquelles Safwat Ibraghit serait impliqué dans des affaires de corruption et avait bénéficié de la complicité de son supérieur, Hael Al-Fahoum, leduchef du Fonds national palestinien, Ramzi Khouri, et du ministre des Affaires étrangères, Riad Al-Malki. L’article rappelait que Safwat Ibraghit est le gendre du brigadier-général Jad Tayeh, assassiné en 2006 par un groupe extrémiste.
Les information relayées par Youssef Shayeb accusaient également Safwat Ibraghit et certains de ses collègues de faire pression sur des étudiants palestiniens résidant en France pour qu’ils surveillent les activités de certains groupes islamistes sur le territoire hexagonal ainsi que dans d'autres pays, et ce pour le compte de services de renseignements palestiniens et, possiblement, étrangers.
Le lendemain de la parution de cet article, le 31 janvier dernier, le journaliste a été intérrogé plusieurs heures par les services de renseignements palestiniens avant d’être relaché. Deux mois plus tard, le 25 mars, Youssef Shayeb a reçu une convocation du procureur général de Ramallah.
Contacté par Reporters sans frontières, l’avocat du journaliste, Me Daoud Darawi, a déclaré qu’initialement placé en garde à vue pendant 48 heures, Youssef Shayeb a été longuement interrogé par le procureur général. Il était présent lors de l’intérrogatoire, ainsi que le représentant du Syndicat des journalistes palestiniens. Sommé de révéler les sources qu’il avait utilisées dans son article, le journaliste a également été accusé de provoquer la discorde et de nuire à la sécurité de l’administration palestinienne.
Face au refus du journaliste de révéler ses sources, injonction qui n’était appuyée par aucune decision de justice, le tribunal a décidé, le 28 mars, de prolonger sa détention de 15 jours supplémentaires. La loi palestinienne garantit en effet aux journalistes le droit de garder confidentielles leurs sources sauf si un tribunal juge que leur dévoilement est nécessaire pour protéger la sécurité de l’État ou pour prévenir un crime.
Suite à la décision du tribunal de prolonger sa détention, Youssef Shayeb a entamé une grève ouverte de la faim, bien que souffrant de diabète et de complications cardiaques. Il a été placé en cellule d’isolement. Seul le Comité indépendant pour les droits de l’homme en Palestine et le Croissant-Rouge ont été autorisés à lui rendre visite au bout de sept jours de détention. Après la décision de prolongation de sa détention, il n’a pas été interrogé et son avocat n’a pas pu le rencontrer.
Il a été libéré le 2 avril et, son état de santé s’étant fortement détérioré, le journaliste a immédiatement été transféré à l’hôpital. Ce n’est que le soir du 3 avril qu’il a pu rentrer à son domicile. L’enquête reste en cours et Youssef Shayeb est actuellement en attente d’une date d’ouverture du procès. Les parties plaignantes réclament 6 millions de dollars en dommages et intérêts.
Publié le
Updated on
20.01.2016