Le Haut conseil des médias suspend un hebdomadaire indépendant pour trois mois

Reporters sans frontières condamne avec force la demande faite, le 5 août 2009, par le Haut conseil des médias (HCM), auprès du ministère de l'Information, de suspendre l'hebdomadaire Umuseso pour une durée de trois mois. "Dans ce pays où il n’existe pas de liberté de la presse, l'espace - déjà faible - laissé à l'expression des opinions se réduit comme peau de chagrin. Après la suspension temporaire des émissions de la BBC en kinyarwanda, celle du journal Umuseso aura pour conséquence de restreindre encore un peu plus l’accès des Rwandais à l’information. Si toutes les voix un tant soit peu libres et critiques sont réprimées ou bâillonnées, l'élection présidentielle de 2010 pourra-t-elle être juste et équitable ?", s'est interrogée l'organisation. La décision du HCM fait suite à la publication, dans le numéro 365 de Umuseso daté du 20-27 juillet 2009, d'un article intitulé "Impanga? Kagame arusha Habyarimana ikoranabuhanga mu gitugu gusa" (Des jumeaux? Kagame est comme Habyarimana. C'est la même dictature, avec la technologie en plus). Cet article compare le pouvoir de l'actuel président rwandais, Paul Kagame, avec celui de Juvénal Habyarimana, président avant le génocide de 1994. Les autorités considèrent une telle comparaison comme scandaleuse car, pour Kigali, Juvénal Habyarimana aurait planifié le génocide, alors que le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame y aurait mis fin. "Je ne suis pas surpris par cette décision, ce journal est la bête noire de Kagame! Le chef de l'Etat n'aime pas en entendre parler", a confié, sous couvert d'anonymat, un journaliste congolais basé à Bukavu, de l'autre côté du Lac Kivu. Dans le communiqué signé par son président, Dr Vénuste Karambizi, l'instance de régulation accuse Umuseso "d'offense à la personne du président de la République", de "semer la confusion au sein de la population", de "propagation de rumeurs", de "diffamation", et enfin de verser dans le "sensationnel excessif". Deux heures avant la conférence de presse du Haut conseil des médias, Reporters sans frontières, informée de l'imminence de l'annonce de la suspension de Umuseso, s'était entretenue par téléphone avec le secrétaire exécutif du HCM, Patrice Mulama. L'organisation lui avait fait part de sa désapprobation. Depuis, Patrice Mulama est injoignable. Le 27 juillet, lors d'une conférence de presse avec le président de la République, la ministre de l'Information, Louise Mushikiwabo, avait annoncé que les deux hebdomadaires Umuseso et Umuvugizi risquaient d'être fermés, car ils n'avaient pas "changé de comportement depuis que nous les avions mis en quarantaine". Quatre jours plus tard, Didas Gasana de Umuseso, et Jean-Bosco Gasasira de Umuvugizi, ont été convoqués par des associations dites d'autorégulation des médias, mais très proches du pouvoir, pour rendre compte de leurs récents articles sur une affaire de moeurs impliquant le Procureur de Kigali.
Publié le
Updated on 20.01.2016