Le harcèlement toujours au menu des journalistes alors que des élections se profilent
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La nouvelle Constitution du Zimbabwe, promulguée le 22 mai 2013 par le président Robert Mugabe, introduit sur le papier davantage de démocratie et garantit la liberté d'expression.
Reporters sans frontières espère que la nouvelle Constitution zimbabwéenne permettra de réduire l'influence négative des lois draconiennes actuellement en vigueur dans le pays. Du fait d’un cadre législatif répressif, les journalistes zimbabwéens se trouvent trop souvent sous le coup d'accusations criminelles pour avoir simplement exercé leur métier. En témoignent de récentes interpellations et des cas de harcèlement dont ils ont été victimes.
La Constitution ouvre également la voie à des consultations électorales attendues depuis plusieurs années. Le chef de l'Etat souhaite qu'elles aient lieu le plus rapidement possible et son parti, le Zanu-PF, estime qu'elles pourraient se tenir le 29 juin prochain. Mais le Premier ministre Morgan Tsvangirai (MDC, opposition) exige que soient au préalable adoptées plusieurs réformes essentielles, notamment en matière de liberté de la presse.
"Outre le fait de révéler les désaccords et blocages qui se produisent au plus haut niveau de l'Etat depuis la mise en place du gouvernement de coalition il y a quatre ans, les conditions posées par Morgan Tsvangirai illustrent surtout l'impérieuse nécessité de garantir aux acteurs de l'information le droit d'exercer librement et en toute sécurité. L'adoption de la nouvelle loi fondamentale est un pas en avant, mais aucune consultation électorale satisfaisante et transparente ne saurait être organisée dans un contexte où le travail des reporters est entravé. A Harare comme en province, des journalistes zimbabwéens – de la presse privée surtout – sont victimes de campagnes de harcèlement tandis que leurs confrères de la presse publique subissent le contrôle du pouvoir", a déclaré Reporters sans frontières.
A l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai dernier, Reporters sans frontières avait rappelé que Robert Mugabe figure parmi une liste de 39 "prédateurs" de la liberté de l'information. L'organisation avait rédigé à son encontre un acte d'accusation dans lequel elle lui reproche notamment de maintenir une chape de plomb sur la liberté d'expression, d'exercer un contrôle strict sur la presse d'Etat, d'imposer à la presse écrite privée un harcèlement permanent et d’avoir été l’artisan d’un cadre législatif terriblement liberticide pour les médias.
Lire l'acte d'accusation .
Interpellations et harcèlements
Le 7 mai 2013, trois employés du journal hebdomadaire Zimbabwe Independent ont été arrêtés pour avoir publié, en une de l'édition du 26 avril, de prétendus "mensonges". Le rédacteur en chef, Dumisani Muleya, le journaliste et auteur de l’article incriminé, Owen Gagare, ainsi que la secrétaire du journal, ont été détenus dans un commissariat de police d’Harare pendant sept heures avant d’être relâchés. Les deux journalistes ont été interrogés sur les sources de leur article, qui affirmait que le Premier ministre Morgan Tsvangirai avait tenu des réunions clandestines avec de hauts responsables militaires en vue des prochaines élections.
L’arrestation des deux journalistes du Zimbabwe Independent est intervenue alors que la police menaçait l'un de leurs collègues, Dingilizwe Ntuli, d’une peine de prison pour avoir écrit un article critique à l'encontre du chef de la police d’Harare.
Le quotidien privé NewsDay est également soumis au harcèlement de la police nationale. En février dernier, une rédactrice du journal, Ropafadzo Mapimhidze, a été convoquée à Masvingo (à 297 km d’Harare où elle travaille), pour être interrogée sur l'un de ses articles. Le mois suivant, le rédacteur en chef du quotidien Daily News, Stanley Gama, a également été convoqué à Masvingo où il lui a été demandé de divulguer ses sources, suite à un article sur la reprise d’activités terroristes dans la région. Stanley Gama est actuellement accusé de diffamation à l'encontre d'un représentant du Zanu-PF pour un article sur le viol présumé d’une fillette de 11 ans.
Victimes régulières de menaces, soumis à des interrogatoires, parfois à des poursuites judiciaires, les médias indépendants sont dans le collimateur de la police nationale, des forces de sécurité, et des services des renseignements (Central Intelligence Organization – CIO), aux ordres du président Mugabe et de son entourage.
Insécurité juridique et cadre législatif liberticide
La police zimbabwéenne a formellement accusé les deux journalistes du Zimbabwe Independent de "fausses déclarations préjudiciables à l’Etat". Une accusation pour laquelle ils encourent une peine de prison maximum de 20 ans et la possibilité d’une lourde amende.
Les lois sur la diffamation criminelle permettent également aux individus de porter plainte contre les médias et les journalistes auprès de la Zimbabwe Media Commission (ZMC), l’organe de surveillance des médias. Aussi, en vertu de la loi de 2002 sur la “protection de la vie privée et l’accès à l’information” (AIPPA), la ZMC est autorisée à ordonner la fermeture de médias qui agissent d’une façon "imprudente". Cet article de loi est invoqué surtout dans les cas de corruption révélés par les journalistes.
Lors d’une conférence de presse, le 10 mai 2013, au siège du Zanu-PF, le ministre de l’Information, Webster Shamu, a réaffirmé la position du gouvernement concernant la liberté de la presse et la protection des journalistes : "Je veux vous rappeler que ce pays s'est construit à la force des fusils. Il ne pourra jamais être emporté par un stylo, jamais." ("I want to repeat that this country came about through the barrel of a gun. It cannot be taken by a pen, never").
Publié le
Updated on
20.01.2016