Reporters sans frontières a appris avec consternation la démission forcée d'Aboubakr Jamaï de son poste de directeur de publication du Journal Hebdomadaire. “Le départ de ce journaliste marque la fin d'une époque où, malgré les difficultés, il semblait possible de faire progresser la liberté d'expression”, a déclaré l'organisation.
Reporters sans frontières a appris avec consternation la démission, le 18 janvier 2007, d'Aboubakr Jamaï, directeur de publication du Journal Hebdomadaire, une décision prise sous la contrainte venant confirmer une détérioration notable de la liberté de la presse au Maroc.
“Pour tous ceux qui suivent avec attention la scène médiatique marocaine, le départ d'Aboubakr Jamaï est une perte importante. Il marque la fin d'une époque où, malgré les difficultés, il semblait possible de faire progresser la liberté d'expression. Aujourd'hui cet espoir, s'il n'a pas totalement disparu, est de plus en plus ténu. Reporters sans frontières salue en la personne d'Aboubakr Jamaï, non seulement un grand professionnel, mais également un homme de courage, de conviction et d'intégrité. Tous ceux qui sont sensibles au combat pour la liberté de la presse, au Maroc et ailleurs, savent ce qu'ils lui doivent”, a déclaré l'organisation.
La démission d'Aboubakr Jamaï s'est imposée comme l'unique solution pour soulager le journal d'une amende qu'il n'est pas en mesure de régler. Condamné à titre personnel, en avril 2006, pour “diffamation”, le journaliste ne dispose pas des fonds nécessaires pour payer la somme exigée. Les autorités auraient pu, par conséquent, saisir les fonds et les biens du journal, le conduisant à une mort certaine.
Joint par Reporters sans frontières, Aboubakr Jamaï a indiqué que son unique motivation était la continuité du journal. “Rester directeur et donc responsable légal du Journal Hebdomadaire signifie mettre en danger sa survie. Cette menace n'est pas hypothétique puisqu'elle s'est déjà matérialisée en 2004, lorsque les autorités avaient procédé à la vente des biens du journal et saisi ses fonds directement auprès de la société de distribution Sapress, suite à une première condamnation judiciaire”, a déclaré le journaliste.
Deux huissiers de justice se sont présentés à deux reprises, en décembre 2006, dans les locaux du Journal Hebdomadaire, réclamant la somme de trois millions de dirhams (270 000 euros) de dommages et intérêts qu'Aboubakr Jamaï et l'un des ses anciens journalistes avaient été condamnés à payer en avril 2006. L'ESISC (Centre européen de recherche, d'analyse et de conseil en matière stratégique) avait déposé plainte contre l'hebdomadaire après la publication, dans l'édition du 3 décembre 2005, d'un dossier mettant en cause l'objectivité de l'une de ses études effectuées sur le Polisario, un mouvement sécessionniste du Sahara Occidental.
Créé en 1997, Le Journal Hebdomadaire, qui n'a cessé de briser les tabous et de repousser les lignes rouges du palais, a été l'objet de fréquentes attaques. Rien n'aura été épargné à la rédaction au cours de toutes ces années : contrôle fiscal zélé, boycott publicitaire ou encore poursuites judiciaires en série. Dernier exemple en date : la campagne publicitaire pour un nouvel opérateur téléphonique du royaume a été annulée en janvier 2007, alors que Le Journal Hebdomadaire avait déjà reçu le bon de commande et inséré un premier encart dans sa dernière édition. En guise d'explications, l'opérateur a expliqué avoir reçu des “instructions”.