Le bilan sans appel des atteintes à la liberté de la presse

Depuis le 29 mars, l'armée israélienne s'est livrée à une véritable attaque en règle contre les journalistes, et tout particulièrement les journalistes palestiniens. Tirs d'intimidation, menaces, brutalités, confiscations de papiers ou de matériel, expulsions, etc., RSF dresse le lourd bilan en chiffres des atteintes à la liberté de la presse.

7 journalistes blessés par balles 4 journalistes détenus 15 journalistes interpellés 60 journalistes pris pour cible 20 journalistes brutalisés ou menacés 20 journalistes privés de passeport, carte de presse ou matériel 1 journaliste expulsé 10 bureaux de médias arabes occupés ou vandalisés La politique des autorités israéliennes à l'égard de la presse étrangère, et tout particulièrement des journalistes palestiniens, doit être condamnée pour ce qu'elle est : une politique de violation massive, délibérée et assumée de la liberté de la presse. C'est une régression sans précédent dans l'histoire de l'Etat d'Israël. Les chiffres sont là qui attestent de la brutalité de l'armée israélienne et de sa politique discriminatoire, pour ne pas dire raciste, vis-à-vis des médias arabes et des journalistes palestiniens. Des entraves répétées au travail des journalistes, des arrestations arbitraires, des menaces physiques, la volonté de rabaisser, d'humilier, une agressivité qui s'est traduite par des blessés et même un mort : il ne s'agit pas de dérapages, mais d'une politique concertée qui vise à cacher à l'opinion publique internationale la réalité des violences, des exactions et des abus de l'armée israélienne. Elle appelle une condamnation sans équivoque et des mesures de sanctions de la part de la communauté internationale. Pas moins de quinze journalistes ont été arrêtés depuis le 29 mars. Quatre sont toujours détenus. Le 3 avril, Ashraf Farraj et Jalal Hameid, de chaîne locale de Bethléem Al Rouah, ont été arrêtés par l'armée israélienne au centre de presse de Bethléem puis transférés au centre de Beitunia, à Ramallah. Le 2  avril, Ahmed Assi (voir photo), cameraman d'ANN, a été arrêté à Ramallah puis incarcéré au centre de détention d'Askalan, à Ashkelon (sur la côte). Le 30 mars, Maher Hussein Romanneh, présentateur de la radio palestinienne, a été arrêté à Ramallah et conduit au centre de détention d'Ofer, à Ramallah. Au moins sept journalistes ont été blessés par balles, parfois grièvement. Le 29 mars à Ramallah, Carlos Handal, de la chaîne égyptienne Nile TV se déplace à bord d'un véhicule identifié "Press" lorsque il est atteint par plusieurs balles venant d'un sniper israélien. Une d'entre elles, traversant le pare-brise, le blesse grièvement à la gorge. Ce fait n'est malheureusement pas nouveau puisque depuis le début de la deuxième Intifada, en septembre 2000, Reporters sans frontières a comptabilisé 56 cas de journalistes blessés par balles. Plus de la moitié étaient palestiniens. Dans une grande majorité de ces affaires, l'organisation peut affirmer, après des enquêtes sur le terrain, que ces tirs étaient d'origine israélienne. Certains journalistes étaient pourtant clairement identifiables et se trouvaient à l'écart des affrontements lorsqu'ils ont été touchés. A de rares exceptions, aucune enquête sérieuse n'a été menée et très peu de sanctions ont été prises à l'égard des auteurs de ces tirs. Un photographe italien, Raffaele Ciriello (voir photo), a été tué, le 13 mars dernier, par des balles tirées d'un char israélien à Ramallah. Les cas de tirs d'intimidation se comptent par dizaines. Le 5 avril, les journalistes d'un convoi de sept véhicules blindés de la presse internationale, qui voulaient assister à l'arrivée du médiateur américain Anthony Zinni au quartier général du président palestinien Yasser Arafat, ont essuyé des tirs de sommation et des jets de cinq grenades assourdissantes. Alors que le convoi faisait demi-tour, la voiture blindée de CNN a été touchée par un tir qui a brisé sa vitre arrière. Le 16 avril, à Ramallah, le véhicule de journalistes de la télévision suédoise SVT a essuyé des tirs. Selon Peder Carlqvist, les tirs sont intervenus alors que la voiture rebroussait chemin suite aux ordres des militaires. Deux jours auparavant, l'armée israélienne avait déclaré que les journalistes étaient à nouveau autorisés à se rendre en Cisjordanie, à l'exception de la basilique de la Nativité à Bethléem, le camps de réfugiés de Jenine et le quartier général de Yasser Arafat à Ramallah. De nombreux journalistes palestiniens ont témoigné de brutalités ou menaces à leur égard. Le 16 avril en début d'après-midi, deux journalistes palestiniens, Maher Chalabi et Majeed Sawalha, ont été arrêtés dans le centre de Ramallah puis conduits dans un bâtiment. Selon Majeed Sawalha, des soldats leur ont bandé les yeux, lié les mains dans le dos et les ont insultés. Ils les ont ensuite frappés à l'estomac, aux jambes et au dos. Ils ont été relâchés dans la soirée en plein couvre-feu. Le même jour, Mohammed Daraghmeh d'Associated Press, a été arrêté à son domicile puis conduit dans un centre de détention où il est demeuré vingt heures les mains liées et les yeux bandés. Lorsqu'il a été relâché en fin de soirée, le journaliste a été confronté au même problème que Majeed Sawalha : comment rentrer chez lui, en pleine nuit, pendant le couvre-feu ? Sur le trajet, alors qu'il marchait vers Naplouse, des tirs ont éclaté près de lui. Il a demandé à l'armée israélienne positionnée sur la route de le protéger. "Si tu restes ici, je te tire dessus", lui a lancé un soldat. Le journaliste n'a pu regagner son domicile que le lendemain matin. L'armée israélienne s'en est prise à de nombreux médias privés palestiniens ou arabes. Ainsi, le 8 avril, des soldats israéliens ont pénétré, en cassant la porte, dans les locaux d'Abu Dhabi TV et de Nile TV, à Ramallah. Selon un témoin, les soldats ont ordonné aux journalistes de s'allonger sur le sol et "ont tout cassé, les bureaux, les portes, les chaises".    Par ailleurs, depuis le début de l'année, de nombreux journalistes palestiniens n'ont pas obtenu le renouvellement de leur carte de presse par le bureau de presse du gouvernement. Danny Seaman, le directeur du bureau, a justifié certains de ces refus en évoquant des "raisons de sécurité". Le 7 avril, Jassim al-Azzawi, envoyé spécial de la chaîne de télévision Abu Dhabi TV (voir photo), a été expulsé du pays après qu'on lui eut retiré sa carte d'accréditation. Durant ces trois dernières semaines, de nombreux journalistes étrangers se sont vu confisquer leur passeport ou leur carte d'accréditation ou même du matériel. Le 7 avril, à Ramallah, une dizaine de journalistes de la presse internationale ont été arrêtés par l'armée israélienne alors qu'ils circulaient en convoi de trois voitures. Des passeports et certaines cartes de presse ont été confisqués. Dix jours plus tard, certains papiers n'avaient toujours pas été restitués à leurs propriétaires. Le 13 avril, à un check point près de Jenine, des soldats ont arrêté Walid el Omari, chef du bureau d'Al-Jazira à Ramallah et lui ont confisqué son matériel.
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Updated on 20.01.2016