En deux mois, à l'approche des élections législatives et du référendum constitutionnel prévus pour le 17 octobre, neuf journaux indépendants jugés trop critiques envers le régime du président Alexandre Loukachenko ont été suspendus pour des motifs administratifs fallacieux.
En l'espace d'une semaine, trois journaux indépendants, Regionalnaya Gazeta, Narodni Predprinimatel et Regionalniye Vedomosti, ont été suspendus pour une durée de trois mois. En deux mois, le ministre de l'Information a ainsi muselé neuf journaux indépendants. Par ailleurs, Elena Rovbetskaya, rédactrice en chef de l'hebdomadaire Birzha Novostei, a été condamnée, le 30 septembre, à une forte amende pour diffamation envers le président Alexandre Loukachenko.
Reporters sans frontières a fermement condamné ces nouvelles suspensions qui interviennent à la veille du référendum constitutionnel et des élections législatives du 17 octobre. "Cette vague de suspensions n'est qu'un moyen grossier de faire taire la presse et de la condamner à mort en la privant de ses revenus. Les mêmes prétextes administratifs, totalement fallacieux, sont invoqués à chaque suspension", a déclaré l'organisation de défense de la liberté de la presse.
"Par ailleurs, imposer des amendes équivalant à environ six mois de salaire est une méthode indigne pour faire pression sur les journalistes et les contraindre à ne pas exprimer leurs opinions," a ajouté Reporters sans frontières.
Au cours de la semaine du 30 septembre, Narodni Predprinimatel, de la région de Novopolotsk (Nord), et Regionalniye Vedomosti, de Gorki (région de Moguilev, Est), ont été suspendus pour trois mois. Des irrégularités administratives ont à nouveau été invoquées : il est reproché aux deux journaux la non-concordance de leur périodicité, langue de publication et thématique avec celles inscrites sur leur certificat d'enregistrement.
Selon Valery Shevchenko, rédacteur en chef de Narodni Predprinimatel, les positions du journal en faveur de "la protection de la démocratie" constituent la véritable raison de cette suspension. Pour sa part, l'hebdomadaire Regionalniye Vedomosti propose dans ses colonnes une analyse de la situation du pays et du référendum bien différente de la ligne présidentielle.
Le 24 septembre, Regionalnaya Gazeta, publié à Molodechno (région de Minsk), a été suspendu pour "violation de la loi sur les médias". Le ministre de l'Information, Vladimir Rusakevich, reproche à l'hebdomadaire de ne pas avoir notifié officiellement la publication d'un supplément TV ainsi que son changement de périodicité.
Alexander Mantsevich, rédacteur en chef et cofondateur du journal, considère que cette suspension est "politique". Selon lui, elle est due à la couverture d'un conflit opposant Vladislav Skvernik, candidat aux élections législatives, et le gouvernement local de Molodechno.
Par ailleurs, Elena Rovbetskaya, rédactrice en chef et cofondatrice de l'hebdomadaire Birzha Novostei, a été condamnée par une cour régionale de Grodno (Ouest) à une amende équivalent à environ 500 euros pour "offense à l'honneur et à la dignité du Président".
Dans un article publié le 9 septembre, intitulé "Trahison au nom du peuple", la journaliste affirmait que le référendum sur la révision de la Constitution, qui permettrait au président Loukachenko de briguer un troisième mandat, constituait un "défi à la société". Elle ajoutait que, pour appeler à un tel référendum, "il faut non seulement ne pas avoir de conscience, mais avoir un mépris 'divin' pour la plèbe".
Le procureur régional a immédiatement ouvert une enquête en vertu de l'article 172 du code administratif, qui pénalise la diffusion de fausses informations offensant l'honneur et la dignité du Président. La journaliste a déclaré avoir uniquement exprimé son point de vue, ce qui ne tombe pas, selon elle, sous le coup de la loi. Le juge Natalia Kozel a refusé d'entendre le témoignage de linguistes, comme l'avait demandé le journal.
La Constitution actuelle du Bélarus ne permet pas au Président sortant, dont le second mandat touchera à sa fin en 2006, de se représenter. Alexandre Loukachenko a donc appelé, en août dernier, à un référendum sur la révision de la Constitution, qui aura lieu en même temps que les élections législatives. Depuis, la presse indépendante jugée trop critique envers le régime fait l'objet d'un harcèlement administratif accru. Les journaux indépendants Vremia et Navinki, de Minsk, Lyuboi Kapriz, de Moguilev, Novaya Gazeta Smorgoni, de Smorgon (région de Grodno) et Allo! Kuplyu, Prodam, Menyayu, de Baranovichi (Ouest), ont déjà été suspendus.