A la veille de son départ pour Harare, Reporters sans frontières écrit au Sous-secrétaire général de l'ONU
Organisation :
Le 13 juin 2008, Reporters sans frontières a demandé au Sous-secrétaire général des Nations Unies en charge des affaires politiques, Haïlé Menkerios, de prendre en compte, lors de ses négociations avec le gouvenement zimbabwéen, le climat de peur qui règne pour la presse indépendante dans le pays. En voici le texte intégral.
Monsieur Haïle Menkerios
Sous-secrétaire général aux Affaires politiques
Organisation des Nations Unies
Department of Political Affairs
Room 3570A
New York, NY 10017
Monsieur, Deux semaines avant le second tour de l'élection présidentielle au Zimbabwe et à l'occasion de votre visite à Harare, du 16 au 20 juin 2008, Reporters sans frontières attire votre attention sur le climat de peur régnant dans le pays et les graves atteintes à la liberté de la presse perpétrées par les autorités. Le bilan, pour la liberté de la presse de la campagne électorale et du premier tour du scrutin présidentiel tenu le 29 mars 2008, est d'ores et déjà désastreux. Dix-huit journalistes ou collaborateurs des médias ont été arrêtés. Le climat s'est particulièrement détérioré ces dernières semaines, les autorités utilisant désormais les vétérans de la guerre d'indépendance comme force supplétive des services de sécurité. Notre organisation exprime sa vive inquiétude à l'approche d'un second tour décisif, prévu le 27 juin, qui laisse présager une nouvelle étape dans la répression. La campagne d'intimidation et de harcèlement à l'encontre des journalistes a été intensifiée à l'approche du deuxième tour. Notre organisation et les associations locales de défense de la liberté d'expression ont recensé chaque semaine plusieurs arrestations arbitraires de journalistes, de mises en détention injustifiées, instaurant un climat de peur et d'autocensure. Les descentes de police dans les locaux des médias ou d'organisations indépendantes et les licenciements abusifs des journalistes de médias publics se sont multipliés. Les journalistes n'ont pas été les seules victimes de cette campagne. Les autorités zimbabwéennes, en violation de leurs propres engagements, ont multiplié les violences et les arrestations dans les rangs de l'opposition, y compris au sein de son leadership, empêchant notamment le Movement for Democratic Change (MDC), arrivé en tête du premier tour de scrutin, de faire campagne librement. Les défenseurs des droits de l'homme ont également été visés. A titre d'exemple, Abel Chikomo, directeur du Zimbabwe's Human Rights Forum (ZHF, Forum pour les droits de l'homme au Zimbabwe) et membre du Media Monitoring Project of Zimbabwe (MMPZ, Initiative pour le monitoring des médias zimbabwéens) a été arrêté le 7 juin 2008, lors d'une descente de police dans les locaux du MMPZ à Binga (Ouest). Treize autres personnes ont été arrêtées en même temps que lui, soupçonnées d'avoir tenu une réunion publique sans autorisation. Elles ont été relâchées le 11 juin sans qu'aucune charge ait été retenue contre elles. Le 9 juin, Pius Wakatama, directeur de l'information de l'Alliance chrétienne, et neuf membres d'organisations religieuses, ont été arrêtés lors d'une descente des membres de la sécurité militaire et du Département d'investigation criminelle (CID) au centre oecuménique de Harare. Cet ancien journaliste de l'hebdomadaire indépendant The Standard et du quotidien Daily News a été finalement relâché dans la soirée, sans qu'aucune charge ait été retenue contre lui. Les autorités zimbabwéennes ont, par ailleurs, effectué une sélection drastique des journalistes autorisés à couvrir les élections, en violation des conventions internationales signées par le pays. Une surveillance permanente de la presse étrangère et de ses collaborateurs locaux a mené à plusieurs arrestations et à de lourdes condamnations. Ainsi, le 23 mai, lors d'un contrôle routier, la police zimbabwéenne a arrêté Bernet Hasani Sono, Resemate Boy Chauke et Simon Maodi, alors qu'ils transportaient du matériel de transmission appartenant à la chaîne de télévision britannique Sky News. Les trois hommes ont été condamnés, le 2 juin, à six mois de prison pour "détention sans autorisation de matériel de diffusion télévisée". Le gouvernement a également renforcé le contrôle de l'information provenant de l'extérieur. Une nouvelle taxe d'importation sur la presse étrangère, égale à 40% de leur coût total par kilogramme, a récemment été imposée. Cette mesure vise à limiter la distribution des médias étrangers et des journaux rédigés par des journalistes zimbabwéens en exil. Dans un contexte où la presse privée est étranglée et réduite à une poignée de publications sous surveillance, les journalistes des médias publics qui ne participent pas à la propagande en faveur du régime sont sanctionnés. Sept journalistes et directeurs de l'information de la chaîne publique Zimbabwe Broadcasting Corporation (ZBC) ont ainsi été licenciés le 3 juin, sans explication. Selon des sources internes, le nouveau rédacteur en chef de ZBC, un vétéran de la guerre d'indépendance, leur reproche d'avoir accordé trop de temps de parole au principal parti d'opposition, le MDC. Le comportement des autorités et de leurs alliés est de nature à fausser gravement le résultat du scrutin. Il nous semble important que vous rappeliez au président Robert Mugabe que son gouvernement est responsable de la violation répétée des traités et des conventions internationaux dont le Zimbabwe est signataire. En 2004, le pays a, par exemple, accepté de se conformer aux "Principes et règles gouvernant les élections démocratiques" de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), contraignant les Etats de la région à garantir un "accès total aux médias nationaux et internationaux" en période électorale. La législation zimbabwéenne, l'une des plus liberticides au monde en matière de médias, est en contradiction flagrante avec ce principe depuis plusieurs années. En espérant que notre requête sera utile à votre mission, je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ma haute considération.
Sous-secrétaire général aux Affaires politiques
Organisation des Nations Unies
Department of Political Affairs
Room 3570A
New York, NY 10017
Paris, le 13 juin 2008
Monsieur, Deux semaines avant le second tour de l'élection présidentielle au Zimbabwe et à l'occasion de votre visite à Harare, du 16 au 20 juin 2008, Reporters sans frontières attire votre attention sur le climat de peur régnant dans le pays et les graves atteintes à la liberté de la presse perpétrées par les autorités. Le bilan, pour la liberté de la presse de la campagne électorale et du premier tour du scrutin présidentiel tenu le 29 mars 2008, est d'ores et déjà désastreux. Dix-huit journalistes ou collaborateurs des médias ont été arrêtés. Le climat s'est particulièrement détérioré ces dernières semaines, les autorités utilisant désormais les vétérans de la guerre d'indépendance comme force supplétive des services de sécurité. Notre organisation exprime sa vive inquiétude à l'approche d'un second tour décisif, prévu le 27 juin, qui laisse présager une nouvelle étape dans la répression. La campagne d'intimidation et de harcèlement à l'encontre des journalistes a été intensifiée à l'approche du deuxième tour. Notre organisation et les associations locales de défense de la liberté d'expression ont recensé chaque semaine plusieurs arrestations arbitraires de journalistes, de mises en détention injustifiées, instaurant un climat de peur et d'autocensure. Les descentes de police dans les locaux des médias ou d'organisations indépendantes et les licenciements abusifs des journalistes de médias publics se sont multipliés. Les journalistes n'ont pas été les seules victimes de cette campagne. Les autorités zimbabwéennes, en violation de leurs propres engagements, ont multiplié les violences et les arrestations dans les rangs de l'opposition, y compris au sein de son leadership, empêchant notamment le Movement for Democratic Change (MDC), arrivé en tête du premier tour de scrutin, de faire campagne librement. Les défenseurs des droits de l'homme ont également été visés. A titre d'exemple, Abel Chikomo, directeur du Zimbabwe's Human Rights Forum (ZHF, Forum pour les droits de l'homme au Zimbabwe) et membre du Media Monitoring Project of Zimbabwe (MMPZ, Initiative pour le monitoring des médias zimbabwéens) a été arrêté le 7 juin 2008, lors d'une descente de police dans les locaux du MMPZ à Binga (Ouest). Treize autres personnes ont été arrêtées en même temps que lui, soupçonnées d'avoir tenu une réunion publique sans autorisation. Elles ont été relâchées le 11 juin sans qu'aucune charge ait été retenue contre elles. Le 9 juin, Pius Wakatama, directeur de l'information de l'Alliance chrétienne, et neuf membres d'organisations religieuses, ont été arrêtés lors d'une descente des membres de la sécurité militaire et du Département d'investigation criminelle (CID) au centre oecuménique de Harare. Cet ancien journaliste de l'hebdomadaire indépendant The Standard et du quotidien Daily News a été finalement relâché dans la soirée, sans qu'aucune charge ait été retenue contre lui. Les autorités zimbabwéennes ont, par ailleurs, effectué une sélection drastique des journalistes autorisés à couvrir les élections, en violation des conventions internationales signées par le pays. Une surveillance permanente de la presse étrangère et de ses collaborateurs locaux a mené à plusieurs arrestations et à de lourdes condamnations. Ainsi, le 23 mai, lors d'un contrôle routier, la police zimbabwéenne a arrêté Bernet Hasani Sono, Resemate Boy Chauke et Simon Maodi, alors qu'ils transportaient du matériel de transmission appartenant à la chaîne de télévision britannique Sky News. Les trois hommes ont été condamnés, le 2 juin, à six mois de prison pour "détention sans autorisation de matériel de diffusion télévisée". Le gouvernement a également renforcé le contrôle de l'information provenant de l'extérieur. Une nouvelle taxe d'importation sur la presse étrangère, égale à 40% de leur coût total par kilogramme, a récemment été imposée. Cette mesure vise à limiter la distribution des médias étrangers et des journaux rédigés par des journalistes zimbabwéens en exil. Dans un contexte où la presse privée est étranglée et réduite à une poignée de publications sous surveillance, les journalistes des médias publics qui ne participent pas à la propagande en faveur du régime sont sanctionnés. Sept journalistes et directeurs de l'information de la chaîne publique Zimbabwe Broadcasting Corporation (ZBC) ont ainsi été licenciés le 3 juin, sans explication. Selon des sources internes, le nouveau rédacteur en chef de ZBC, un vétéran de la guerre d'indépendance, leur reproche d'avoir accordé trop de temps de parole au principal parti d'opposition, le MDC. Le comportement des autorités et de leurs alliés est de nature à fausser gravement le résultat du scrutin. Il nous semble important que vous rappeliez au président Robert Mugabe que son gouvernement est responsable de la violation répétée des traités et des conventions internationaux dont le Zimbabwe est signataire. En 2004, le pays a, par exemple, accepté de se conformer aux "Principes et règles gouvernant les élections démocratiques" de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), contraignant les Etats de la région à garantir un "accès total aux médias nationaux et internationaux" en période électorale. La législation zimbabwéenne, l'une des plus liberticides au monde en matière de médias, est en contradiction flagrante avec ce principe depuis plusieurs années. En espérant que notre requête sera utile à votre mission, je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ma haute considération.
Robert Ménard
Secrétaire général
Secrétaire général
Publié le
Updated on
20.01.2016