La station serbe OK Radio entravée et menacée par un puissant homme d’affaires

Au cours d’un procès qui l’oppose à OK Radio, Dejan Nikolic a menacé avec véhémence les journalistes travaillant pour la station. Inquiète de cette entrave au travail des journalistes, Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités serbes à garantir la sécurité de l'important média local.

Mise à jour le 16 août 2023 : La haute cour de Vranje a confirmé, le 8 août dernier, la condamnation en première instance de Kantar à 18 mois de prison ferme pour menaces contre les journalistes d'OK radio proférées en salle d'audience. Par conséquent, l'oligarque local - qui devait être libéré le 17 août - restera en prison pendant au moins 15 mois. 

Mise à jour le 6 juillet 2023 : Un homme d'affaires puissant, Dejan Nikolic alias Kantar, a été condamné, le 26 juin 2023, à un an et demi de prison ferme. Prononcé dans un temps record, ce verdict de première instance sanctionne les menaces adressées aux journalistes d'OK Radio lors d'un premier procès où il était déjà jugé pour des attaques contre ce média. Mais faisant appel dans cette nouvelle affaire, Kantar, actuellement emprisonné pour 14 mois, sera libéré en août prochain. Les journalistes craignent de nouvelles attaques dans un contexte où les autorités locales n'ont toujours pas détruit le mur construit par l'homme d'affaires de manière illicite pour bloquer les fenêtres d'OK Radio. En plus d'intimider ces professionnels de l'information, le mur empêche le fonctionnement du café rattaché à la radio, principale source de financement du média.

Dejan Nikolic alias Kantar, un puissant homme d’affaires de la ville de Vranje, au sud-est de la Serbie, s’en prend depuis plusieurs mois à la station de radio locale OK Radio en raison d’un conflit immobilier qui les oppose. Kantar souhaite en effet construire illégalement une salle de jeux empiétant sur l'immeuble de la rédaction de OK Radio, ce que cette dernière a refusé. Depuis, l’homme fort n’a eu de cesse d’exercer une pression croissante sur la radio.

Les menaces contre la rédaction de OK Radio sont très préoccupantes et entravent largement le travail des journalistes, note le responsable du bureau Union européenne - Balkans de RSF, Pavol Szalai. Conformément à ses recommandations d’avril 2022, RSF appelle les autorités serbes à mettre en œuvre des actions pour la sécurité des journalistes. Il est urgent de réinstaurer un climat de travail sûr pour les journalistes de la radio afin de leur permettre une reprise normale de leurs activités. La liberté de la presse ne peut pas être muselée par la peur !

OK Radio est une station de radio bien établie à Vranje qui diffuse des informations locales. Elle se finance en grande partie grâce aux revenus de l’exploitation d’un café accolé à sa rédaction, le No Comment Caffe.

En mars 2022, Olivera Vladkovic, la propriétaire de la station, alerte la police suite à des menaces téléphoniques qui lui ont été adressées par Kantar. Début juin 2022, le No Comment Caffe est saccagé.

Le 6 juin 2022, Kantar commence les travaux de construction de sa salle de jeu et mure les fenêtres des locaux de la rédaction d’OK Radio. Des représentants d'associations de journalistes du Groupe de travail permanent pour la sécurité des journalistes organe créé en 2020 par le gouvernement serbe afin de répondre plus efficacement aux attaques contre les journalistes se rendent à Vranje le 15 juin et apportent leur soutien à OK Radio et à Olivera Vladkovic. Le 16 juin, Kantar se rend au No Comment Caffe et réitère ses menaces. Il est arrêté et placé en détention le jour même. 

Le harcèlement de Kantar prend des formes diverses, des appels téléphoniques menaçants à la démolition des vitrines du café. Il a également envoyé un de ses hommes porter un téléphone au No Comment Caffe. À l'autre bout de la ligne, Kantar hurlait des menaces à l’encontre des journalistes. 

L’incarcération de Kantar ne l’empêche pas de poursuivre ses intimidations. Fin juin 2022, il s’en prend à Veran Matic, membre du Groupe de travail permanent pour la sécurité des journalistes. De faux mandats d’arrêt ont été placardés dans les rues de Vranje l’accusant de détruire la ville. En outre, Kantar a continué à s'en prendre aux journalistes pendant son audience devant le tribunal local. Au cours de cette même audience, des amis et des associés de Kantar se sont rassemblés devant le tribunal vêtus de t-shirts marqués de slogans interpellant le président de la République serbe, “Vucic aidez-nous” et des pancartes “Justice pour Kantar” suggérant qu'il est une victime. À l’issue de l'audience, les journalistes de la station ont affirmé publiquement qu'ils ne se sentaient pas en sécurité.

Kantar est extrêmement influent et craint dans la région. Un tribunal local a ordonné la destruction du mur construit devant la rédaction mais aucun artisan n’a accepté d’effectuer les travaux, par crainte de représailles. Par peur, deux collaborateurs ont déjà quitté OK Radio et d’autres médias serbes sont peu enclins à couvrir cette affaire.

L’association des journalistes indépendants de Serbie est inquiète des conséquences de l’arrêt des activités du No Comment Caffe sur les revenus de la station et lance une collecte de fonds pour la soutenir.

La Serbie occupe la 79e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.

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