La radio Voice of the people brouillée : « sabotage d'Etat » contre l'information indépendante

Reporters sans frontières est écœurée par la campagne de brouillage des radios critiques manifestement orchestrée par le pouvoir zimbabwéen, en collaboration avec la Chine. Depuis le 18 septembre, les émissions de la radio néerlandaise indépendante Voice of the People (VOP) sont systématiquement parasitées par « un bruit de crécelle ». Ce « sabotage d'Etat » survient trois ans après que cette station, contrainte à l'exil, a été la cible d'un attentat jamais élucidé, en plein cœur de Harare.

Reporters sans frontières est écœurée par la campagne de brouillage des radios critiques manifestement orchestrée par le pouvoir zimbabwéen, en collaboration avec la Chine. Depuis le 18 septembre, les émissions de la radio néerlandaise indépendante Voice of the People (VOP) sont systématiquement parasitées par « un bruit de crécelle ». Ce « sabotage d'Etat » survient trois ans après que cette station, contrainte à l'exil, a été la cible d'un attentat jamais élucidé, en plein cœur de Harare. « Le gouvernement de Robert Mugabe s'illustre une fois de plus par sa politique de musellement systématique de toute voix indépendante, a déclaré Reporters sans frontières. L'utilisation des technologies chinoises, dans des conditions d'opacité et d'hypocrisie totales, témoigne d'une volonté de fer du pouvoir d'en finir avec la liberté d'opinion au Zimbabwe. Nous réaffirmons que cette immersion progressive du pays dans la dictature de la parole unique est rendue possible par l'impunité incompréhensible dont les grandes démocraties africaines font bénéficier le gouvernement de Harare. » Tous les soirs, entre 19 et 20 heures (18 et 19 heures GMT), sur 7.120KHz, VOP diffuse en ondes courtes un programme à destination du territoire zimbabwéen, via un relais de Radio Netherlands, la station publique néerlandaise, situé dans l'océan Indien, sur l'île de Madagascar. « Notre signal n'est pas aussi bon que ce qu'il devrait être, a déclaré un responsable de VOP à Reporters sans frontières. Il y a un drôle de bruit et cela nuit à notre émission du soir. Nous pouvons affirmer que nous sommes brouillés. » Les employés de la radio suspectent le gouvernement d'utiliser un matériel de brouillage sophistiqué importé de Chine. Cette heure de programmes de VOP est une opportunité unique pour le public zimbabwéen d'avoir accès à une voix alternative à celle de la Zimbabwe Broadcasting Corporation (ZBC), après le brouillage volontaire, depuis février 2005, de la radio en exil à Londres, SW Radio Africa, qui ne peut dorénavant plus émettre en ondes courtes. Voice of the people a été créée en juin 2000, par des anciens employés de la ZBC, grâce à l'appui de la fondation Soros et à celui d'une ONG néerlandaise, la fondation Hivos. Ses locaux de Harare avaient été perquisitionnés, le 4 juillet 2002, et du matériel avait été emporté par la police. Ils avaient par la suite été la cible d'un attentat à la bombe, le 29 août 2002, détruisant la totalité de ses infrastructures. Malgré cela, la radio avait pu reprendre ses émissions. Une technique de brouillage fréquente consiste à émettre un bruit sur la même fréquence qu'un diffuseur, en s'appuyant au besoin sur les émetteurs d'une autre radio. La puissance et la localisation de ces émetteurs déterminent la zone qui peut être brouillée. Or, selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, Voice of the People peut aujourd'hui être captée uniquement dans la région rurale de Matabeleleland, zone que la radio publique ne couvre pas. Ces indications tendent à démontrer que le bruit qui gêne l'écoute de Voice of the People est bien émis par les autorités zimbabwéennes, à travers les ondes de la radio publique. Ces pratiques illégales, violant les règlements internationaux régissant les télécommunications, sont l'une des spécialités du gouvernement de Pékin. Le brouillage des ondes est monnaie courante en Chine, notamment contre les radios tibétaines ou les radios étrangères qui émettent dans l'ouest du pays. En dénonçant ces violations de la liberté d'expression, Reporters sans frontières avait désigné cette politique sous le terme de « grande muraille des ondes ». De plus, selon une source locale, depuis janvier 2005, plusieurs officiers des services secrets chinois se sont installés dans un hôtel de luxe de Harare, la capitale du pays. Les experts chinois ont été invités pour former leurs homologues zimbabwéens aux télécommunications et aux radiocommunications dans le cadre des accords de coopération économique et technique signés entre la Chine et le Zimbabwe. Du fait de l'isolement diplomatique du Zimbabwe, culminant avec son départ du Commonwealth en 2003, les relations déjà importantes avec la Chine se sont intensifiées. La proximité idéologique et des intérêts pour les ressources naturelles du Zimbabwe ont poussé Pékin à multiplier les accords politiques et commerciaux. La Chine est devenue le premier investisseur étranger dans le pays de Robert Mugabe. Ce genre de pratiques transnationales pourrait ne pas se limiter aux émissions de radio, mais s'étendre au piratage de sites Internet. Reporters sans frontières s'est déjà inquiétée du fait que le gouvernement avait acquis de l'équipement qui peut être utilisé pour surveiller le trafic Internet. Or, le niveau d'expertise du gouvernement dans le secteur des télécommunications n'est sûrement pas suffisant pour utiliser ce genre d'équipement, ce qui laisse penser qu'il en sous-traite la mise en œuvre à ses fournisseurs chinois.
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Updated on 20.01.2016