La République islamique internationalise sa répression
Organisation :
Reporters sans frontières condamne vivement la prise d’otages de familles de net-citoyens et la pression exercée sur les familles de plusieurs journalistes iraniens travaillant pour des médias basés à l’étranger. Depuis le 21 mai 2012, l’organisation a recensé une dizaine d’arrestations de blogueurs et de net-citoyens pour “insulte contre l’islam”, dans plusieurs villes du pays, notamment à Téhéran, Machhad et Hamadān.
Le 25 juin 2012, selon une information publiée par la cyberpolice iranienne de la ville d’Hamadān, le directeur d’une page de réseaux sociaux considérée comme “insultante contre l’islam et les imams chiites” a été identifié et arrêté. Reporters sans frontières n’est pas en mesure de confirmer aujourd’hui, ni le nombre exact, ni l’identité de toutes les personnes arrêtées. Selon Kalameh, un site d’information proche des réformateurs iraniens, “la vague d’arrestations de net-citoyens dans le pays a commencé fin mai. La plupart des victimes sont des étudiants, et les agents du renseignement exercent des pressions sur leurs familles pour qu’ils gardent le silence et ne communiquent pas avec les médias”.
Selon les informations recueillies par l’organisation, le Centre de surveillance des délits organisés, instauré par les Gardiens de la Révolution, a activement participé à la traque des net-citoyens en les identifiant et en les arrêtant. Ces derniers sont actuellement détenus dans la prison d’Evin où ils ont été placés en isolement, certains sont dans les dortoirs 240 (sous le contrôle des Gardiens de la Révolution), les autres dans les dortoirs 209 (sous le contrôle du ministère des Renseignements).
Le 26 juin 2012, Yashar Khameneh, un étudiant iranien résidant en Europe, a relaté sur son blog le calvaire que lui font subir les agents des services de sécurité iraniens : “Depuis cinq semaines mon père, Abbas Khameneh, est l’otage du ministère des Renseignements. Aucune charge n’a été formulée à son encontre, il n’a pas droit à un avocat et est privé de visite. On l’a arrêté parce que c’est mon père… Quelques jours après son arrestation, ils ont menacé de l’exécuter si je ne leur envoyais pas une vidéo dans laquelle je disais me repentir. Je l'ai fait, mais ils n'ont toujours pas relâché mon père et exigent maintenant toutes les informations de mes comptes e-mail et Facebook, ainsi que la fermeture de la page “International Campaign for Imam Naghi” (campagne satirique sur Facebook sur l’Imam Ali An-Naqi, le dixième imam des chiites) et mon retour en Iran.”
Ce n’est pas la première fois que le régime menace les familles de journalistes en exil et se sert de ces intimidations comme moyen de chantage pour imposer sa loi aux médias. Le 12 juin 2012, Steven W. Korn le directeur de Radio Free Europe / Radio Liberty, et Arman Mostofi, le directeur de Radio Farda (la section persan de Radio Free Europe) ont annoncé que, depuis un an, les menaces s’étaient intensifiées contre les familles de plusieurs journalistes travaillant pour la radio à l’étranger.
En octobre 2011, Peter Horrocks, le directeur de BBC World Service, a déclaré que les membres des familles de plusieurs journalistes iraniens de la chaîne ont été convoqués et interrogés suite à la diffusion d’un documentaire sur le Guide suprême de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Khamenei. Certains d’entre eux se sont vu retirer leur passeport et interdire la sortie du territoire. Une journaliste de cette chaîne basée à Londres avait même été contrainte de se soumettre à un interrogatoire via Internet après l’arrestation de sa sœur par le ministère des Renseignements.
“La théocratie au pouvoir, noyée dans la corruption et la tyrannie, ferme la porte à la liberté d’opinion et d’expression en instrumentalisant la religion, par l’utilisation récurrente des accusations d’“insulte envers l’islam” pour réprimer tout débat”, a déclaré Reporters sans frontières.
L’organisation s’est dite profondément choquée par les méthodes sournoises et mesquines utilisées par le régime de Téhéran pour faire pression sur les voix critiques, dans les médias et sur Internet, en Iran, mais aussi à l’étranger. Ceux qui ont été contraints de fuir la répression aveugle de la République islamique ne sont pas à l’abri, même dans les pays où ils ont trouvé refuge et où la liberté d’expression est respectée.
“Il faut que la communauté internationale réagisse. Nous demandons à Navi Pillay, Haut-Commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, de condamner ces séquestrations arbitraires et ces pressions sur les proches des dissidents, en tant que crimes commis par l’Etat iranien”, a conclu Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on
20.01.2016