La rédactrice en chef de Kalima menacée de poursuites judiciaires

Neziha Rejiba, connue sous son nom de plume "Om Zied", rédactrice en chef du webmagazine Kalima, a été entendue, le 27 octobre 2008, par le substitut du procureur, au palais de justice de Tunis. La journaliste pourrait être déférée devant la justice pour "allégations contraires à la loi", suite à la publication d'un article dans lequel elle avait fait porter aux autorités tunisiennes la responsabilité de l'attaque informatique qui avait ciblé, le 8 octobre dernier, le site Internet de Kalima. Le ministère de l'Intérieur a également interdit la distribution de l'hebdomadaire Mouwatinoun qui avait reproduit l'article de la journaliste dans sa dernière édition. "Kalima et Mouwatinoun font partie des rares publications tunisiennes qui échappent à la main-mise exercée par le régime sur les médias locaux. En 1999, la rédaction de Kalima, dont faisait déjà partie Neziha Rejiba, avait décidé de lancer une version électronique du journal suite au refus des autorités de lui octroyer une licence. Malgré la censure et les pressions, Kalima a réussi à s'imposer comme l'une des principales sources d'informations indépendantes sur la Tunisie. L'attaque informatique de sa plate-forme multimédia a sérieusement handicapé la rédaction. Nous appelons les autorités tunisiennes à mettre un terme à leur acharnement contre les voix indépendantes de la presse privée", a déclaré Reporters sans frontières. En l'absence de ses avocats, Neziha Rejiba a refusé de commenter ses écrits devant le magistrat. Durant son entretien avec le substitut du procureur, la journaliste a appris qu'une plainte a été activée par le ministère tunisien de l'Intérieur pour "allégations contraires à la loi", en vertu de l'article 73 du code de la presse. Neziha Rejiba traverse une période difficile suite à l‘incarcération, depuis le 15 octobre 2008, de son époux, l'avocat et défenseur des droits de l'homme, Me Mokhtar Jallali, impliqué dans un accident de la route qui a coûté la vie à un piéton. "Ma famille est prise en otage par le pouvoir. Mon mari a été emprisonné alors même que les rapports de la police de la circulation et les témoignages des passants démontrent son innocence. Sa voiture a fauché un piéton après avoir été percutée par un chauffard en infraction", a déclaré la journaliste. La convocation de la journaliste est intervenue quelques jours après la saisie de l'édition du 22 octobre 2008 de l'hebdomadaire Mouwatinoun, organe du Forum démocratique pour les libertés et le travail (FDLT, opposition légale). Mustapha Ben Jaafar, directeur de la publication, a affirmé à Reporters sans frontières qu'il n'avait pas été officiellement informé de cette mesure. Depuis son lancement, en janvier 2007, Mouwatinoun (Citoyens) connaît des problèmes de distribution, ralentissant son développement. "Nous n'avons jamais réussi à décoller. Nous ne vendons pas plus de 1500 copies par semaine et cela malgré la mobilisation de nos militants. Les kiosques du pays reçoivent le journal de manière irrégulière et la plupart d'entre eux le dissimulent pour ne pas avoir de problèmes avec le pouvoir", a-t-il ajouté. La Tunisie occupe la 143e place, sur 173, dans le classement mondial de la liberté de la presse, publié par Reporters sans frontières le 22 octobre 2008.
Publié le
Updated on 20.01.2016