La proposition de loi fédérale sur la protection des sources plombée par ses lacunes

Approuvée par le Comité juridique du Sénat le 12 septembre 2013, la proposition de loi fédérale sur la protection des sources (“loi bouclier”) est malheureusement loin de satisfaire aux recommandations émises à ce sujet par Reporters sans frontières. Sa réintroduction au Congrès, à la suite du scandale des relevés téléphoniques d’Associated Press, constituait en soi un signe encourageant. En l’état, certaines dispositions s’avèrent insuffisamment protectrices, voire dangereuses pour le journalisme d’investigation. “La version du texte approuvée par le Comité juridique du Sénat présente de graves lacunes. Elle repose notamment sur une définition beaucoup trop restrictive de la fonction de ‘journaliste’ qui exclut de fait les blogueurs et certains diffuseurs d’informations. Or en plus de réduire le champ de ces bénéficiaires, la loi ne s’appliquera pas a priori à tous ceux qui font œuvre d’enquêter sur des sujets touchant à la sécurité nationale et d’intérêt public majeur. La proposition de loi court le risque de devenir une coquille vide si elle n’est pas amendée dans un sens plus protecteur pour les journalistes et les acteurs de l’information en général”, estime Reporters sans frontières. “Votée telle quelle, la ‘loi bouclier’ n’aurait pas empêché la saisie des relevés téléphoniques d’Associated Press par le Département de la Justice. Elle n’aurait pas davantage épargné à James Rosen, de la chaine Fox News, la traque de ses sources d’informations par le FBI. Elle n’aurait pas non plus évité au journaliste du New York Times James Risen l’injonction judiciaire de donner le nom de ses informateurs, à laquelle il est toujours soumis. Ces exemples témoignent pourtant de l’importance du rôle du journalisme d’investigation. Qu’aurait-on su sans lui du scandale du Watergate ? Ou des gravissimes violations des droits de l’homme commises au nom de la ‘guerre contre le terrorisme’ ? Dans un climat de chasse aux sources, la ‘loi bouclier’ n’est pas à la hauteur des enjeux”, ajoute l’organisation. Certains sénateurs n’ont pas fait mystère de leurs intentions. La démocrate californienne Dianne Feinstein a déclaré que seuls les “vrais reporters” devaient être protégés, et qu’elle ne pouvait soutenir le projet de loi si “même Edward Snowden devait bénéficier de ce privilège (de la protection des sources – ndlr)”. Le rapporteur de la proposition de loi Chuck Schumer (démocrate de l’État de New York) n’a pas dit autre chose : “Nous avons veiller à distinguer les journalistes de ceux qui ne doivent pas bénéficier de la protection, comme WikiLeaks.” La loi bouclier “ne couvre pas les personnes ou les entités dont la vocation est de publier des documents de sources primaires qui leur ont été livrés sans autorisation”. Quel sera le seuil réel de confidentialité au bénéfice des journalistes si la proposition de loi venait à être adoptée au Congrès dans sa version actuelle ? L’inquiétude demeure. Outre James Risen, un autre journaliste risque désormais la prison pour refus de révéler l’identité d’une source, cette fois dans une affaire criminelle au niveau local. Rédacteur en chef du site d’informations Joliet Patch dans l’Illinois, Joe Hosey a été sommé par un juge, le 31 août dernier, de fournir le nom de la personne qui lui avait transmis les rapports de police et d’autopsie dans le cadre de l’enquête sur un double meurtre. Le journaliste disposait de vingt-et-un jours pour s’exécuter, soit avant la date butoir du 20 septembre.
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Updated on 20.01.2016