La presse privée en danger : Reporters sans frontières lance une nouvelle campagne et redemande la dépénalisation des délits de presse

Lors d'une conférence de presse organisée le 13 juin au siège de l'organisation à Paris, Reporters sans frontières a réitéré son appel aux autorités algériennes pour qu'elles cessent leur harcèlement judiciaire à l'encontre de la presse privée et qu'elles libèrent le directeur du quotidien Le Matin, Mohamed Benchicou, détenu depuis un an. L'organisation a lancé une nouvelle campagne déclinée sous forme d'affiches et de cartes postales.


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Lors d'une conférence de presse organisée le 13 juin au siège de l'organisation à Paris, en présence du Collectif algérien pour la liberté de la presse et de Fatiha Benchicou, Reporters sans frontières a réitéré son appel aux autorités algériennes pour qu'elles cessent leur harcèlement judiciaire à l'encontre de la presse privée et qu'elles libèrent le directeur du quotidien Le Matin, Mohamed Benchicou, détenu depuis un an. Le Collectif pour la liberté de la presse et le quotidien L'Humanité ont appelé par ailleurs à un rassemblement de protestation à Paris, devant l'ambassade d'Algérie, le 14 juin, à 18 heures (place Rio de Janeiro, 8e arrondissement). "La justice algérienne, par le biais du tribunal correctionnel de Sidi M'hamed, à Alger, s'évertue à condamner des journalistes chaque mardi pour des délits de presse, a déclaré Reporters sans frontières. L'acharnement à l'encontre des professionnels des médias n'avait pas été aussi sévère depuis plusieurs années. Tandis que les espaces d'informations indépendants se réduisent de plus en plus, la liberté d'expression est en grave danger en Algérie. Nous appelons le président Abdelaziz Bouteflika à la raison et lui rappelons qu'il avait déclaré le 3 mai dernier : « Les institutions nationales ne sont pas contre la liberté de la presse »." "Reporters sans frontières dénonce fermement le recours à des peines d'emprisonnement dans des affaires de diffamation et réclame, une fois de plus, une réforme du code pénal afin de dépénaliser les délits de presse, comme le demande le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d'opinion et d'expression. L'article 144 bis du code pénal prévoit, par exemple, pour toute mise en cause du président de la République dans des termes injurieux, insultants ou diffamatoires, des peines de deux à douze mois de prison destinées à faire taire les voix discordantes et des amendes, parfois exorbitantes, dont le seul but est d'asphyxier les titres de presse indépendants." "Mohamed Benchicou, directeur du quotidien suspendu Le Matin, connu pour sa liberté de ton qui a toujours gêné le pouvoir, « fête », le 14 juin, le triste anniversaire de sa première année de détention, alors que son état de santé se dégrade et que sa remise en liberté provisoire pour raisons médicales a été rejetée le 20 avril. Cinq collaborateurs du Matin ont également été condamnés à des peines de prison, prouvant la détermination de l'Etat à poursuivre l'étouffement définitif d'un des journaux les plus libres du pays." "Nous demandons la libération de Mohamed Benchicou et d'Ahmed Benaoum, PDG du groupe de presse Er-raï El Aam incarcéré depuis le 28 juin 2004, ainsi que l'arrêt des poursuites judiciaires pour diffamation et la relaxe des journalistes condamnés", a conclu l'organisation. Une kyrielle de condamnations à des peines de prison Dernière affaire en date, Djamaledine Benchenouf, journaliste exilé en France, a été condamné pour diffamation à trois mois de prison ferme par défaut par la Cour d'appel de Sétif à la suite de la publication, dans le quotidien Liberté, de deux articles dans lesquels le journaliste dénonçait des malversations et des détournements de fonds au sein de la Caisse nationale des assurances sociales et de l'Union générale des travailleurs algériens. L'affaire avait pourtant été classée en juillet 2004 par le juge d'instruction en première instance. Depuis cette date, le journaliste n'avait reçu aucune convocation lui faisant part de la réouverture du dossier. Par ailleurs, les membres de sa famille, toujours en Algérie, font face, depuis son départ, à un harcèlement continu qui se traduit par de nombreuses convocations et tracasseries administratives. Le 24 mai 2005, l'ancien directeur de la rédaction du quotidien Liberté, Farid Alilat, a été condamné à une peine d'un an de prison ferme par contumace et une amende de 100 000 dinars algériens (environ 1100 euros) pour la publication d'une série de caricatures et d'une chronique en 2003, considérées comme des "offenses au chef de l'Etat". Le 17 mai, le directeur de publication du quotidien Le Soir d'Algérie, Fouad Boughanem et le chroniqueur Hakim Laâlam avaient été condamnés par le tribunal d'Alger à deux mois de prison ferme et à une amende de 250 000 DA (environ 2 750 euros) pour diffamation. La publication avait également été condamnée à payer une somme équivalente. Le 19 avril, les journalistes du quotidien Le Matin, Abla Cherif et Hassane Zerrouky, avaient été condamnés à deux mois de prison ferme, Youssef Rezzoug et Yasmine Ferroukhi, à trois mois dans des affaires de diffamation. Le même jour, Mohamed Benchicou, qui purge déjà une peine de deux ans de prison ferme depuis le 14 juin 2004, avait été condamné à cinq mois de plus. Par ailleurs, la porte d'entrée de la maison d'éditions Jean Picollec qui édite le livre de Mohamed Benchicou, "Bouteflika : une imposture algérienne" a récemment été brisée à l'aide d'une masse. Aucune tentative de vol n'a été constatée et seule l'affiche présentant l'ouvrage a été endommagée. Lancement d'une nouvelle campagne : "Pour le Président algérien, il n'y a qu'une seule façon d'être journaliste." Reporters sans frontières lance une nouvelle campagne pour sensibiliser le public à la situation de la liberté de la presse en Algérie. Le visuel représente un Algérien qui se fait cirer les chaussures. Le slogan dit : "Pour le Président algérien, il n'y a qu'une seule façon d'être journaliste. Mohamed Benchicou l'a appris à ses dépens. Condamné à deux ans de prison, le directeur du quotidien Le Matin est incarcéré depuis juin 2004. Emprisonnement de journalistes, procès à répétition et menaces se multiplient. La presse privée algérienne est victime d'une véritable campagne de harcèlement de la part des autorités. N'attendez pas qu'on vous prive de l'information pour la défendre." La campagne sera déclinée sous forme d'affiches sur le réseau Insert (1500 affiches 60 X 80 en France), en presse écrite (grâce aux titres qui accepteront de la publier gracieusement), et en carte postale sur le réseau Cart'com (50 000 exemplaires du 15 au 28 juin). Reporters sans frontières remercie Benni Valsson, photographe, l'agence Saatchi & Saatchi et l'équipe de production. Tous ont travaillé gracieusement pour réaliser cette campagne. Le visuel est disponible sur simple demande à [email protected] et au 01 44 83 84 72 ou sur le site de Reporters sans frontières dans "l'espace presse téléchargement".
Publié le
Updated on 20.01.2016