La presse privée en danger

Lors d'une conférence de presse, Reporters sans frontières a appelé les autorités à se conformer à leurs propres engagements en faveur de la liberté de la presse, en libérant Hafnaoui Ghoul et Mohammed Benchicou et en cessant tout harcèlement judiciaire, financier ou administratif contre la presse.

Lors d'une conférence de presse organisée le 23 juin, au siège de Reporters sans frontières, l'organisation a demandé la suppression des peines de prison pour délits d'opinion prévues dans le code pénal. Reporters sans frontières a par ailleurs appelé les autorités à se conformer à leurs propres engagements en faveur des libertés, et en particulier de la liberté de la presse, en libérant Hafnaoui Ghoul et Mohammed Benchicou et en cessant tout harcèlement judiciaire, financier ou administratif, visant à étouffer la presse. " Il est urgent que le pouvoir mette un terme à cette escalade de la répression contre la presse qui serait ridicule si elle n'était pas aussi dangereuse pour la liberté d'expression. Face à la multiplication des plaintes pour diffamation et à la lourdeur des peines prononcées, nous ne voyons pas d'autre issue que de remettre les compteurs à zéro, en libérant les journalistes emprisonnés et en prenant toutes les mesures qui s'imposent pour que les délits de presse ne soient plus sanctionnés par des peines de prison ", a déclaré Reporters sans frontières. Pour tous les journalistes, l'arme la plus tranchante reste l'article 144 bis du code pénal, qui prévoit des peines de deux à douze mois de prison et des amendes allant de 50 000 à 250 000 dinars (environ 500 à 2 500 euros) pour toute mise en cause du président de la République dans des termes injurieux, insultants ou diffamatoires. Des sanctions également appliquées en cas d'offense envers le Parlement, l'une de ses deux Chambres, ou l'ANP (Armée nationale populaire). Les convocations en série adressées à nombre de journalistes et de caricaturistes de la presse privée visent à leur imposer le silence et à faire triompher l'autocensure. Des subterfuges commerciaux et financiers ont par ailleurs été utilisés depuis près d'un an par le pouvoir pour sanctionner les journaux irrévérencieux. Le redressement fiscal qui frappe Le Matin et menace le quotidien de fermeture s'inscrit dans ces mesures d'acharnement contre une partie de la presse. Les correspondants en province sont toujours la cible de potentats dès qu'ils révèlent des affaires de corruption ou des dysfonctionnements dans la gestion des affaires locales. Certains correspondants de la presse étrangère, quant à eux, sont toujours privés de leur carte d'accréditation pour l'année 2004. Dans une longue liste de condamnations, Reporters sans frontières relève particulièrement les cas de quatre journalistes récemment condamnés à des peines de prison ferme : - Hassan Bourras, correspondant à El Bayadh (ouest algérien) de plusieurs quotidiens, dont El Djazaïri (journal régional d'Oran) et El-Youm (quotidien national), et correspondant de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, a été emprisonné entre le 6 novembre et le 2 décembre 2003. Il avait été condamné pour diffamation par le tribunal de première instance d'El Bayadh à deux ans de prison ferme et une interdiction d'exercer sa profession pendant cinq ans. - Hafnaoui Ghoul, correspondant du quotidien El-Youm à Djelfa (150 km au sud d'Alger) et correspondant de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, est incarcéré depuis le 24 mai 2004. Le journaliste a été condamné pour diffamation le 9 juin, par le tribunal de première instance de Djelfa, à deux mois de prison et à une amende de 300 000 dinars (environ 3 500 euros). Une quinzaine d'autres plaintes pour diffamation ont été déposées à son encontre. - Mohammed Benchicou, directeur du quotidien Le Matin, a été condamné, le 14 juin 2004, à deux ans de prison ferme et à une amende de 20 millions de dinars (environ 230 000 euros) . Placé sous mandat de dépôt, il a été conduit à la prison d'El-Harrach (banlieue d'Alger) dès l'annonce du verdict. Le ministère des Finances avait déposé une plainte pour " infraction régissant le contrôle des changes et les mouvements de capitaux ". En février 2004, Mohammed Benchicou avait publié un pamphlet intitulé " Bouteflika, une imposture algérienne ". Par ailleurs, dans le cadre du redressement fiscal qui frappe cette entreprise de presse depuis octobre 2003, le siège du Matin a été mis sous scellés. - Ali Djerri, directeur du quotidien El Khabar, a été condamné pour diffamation, le 20 juin, à deux mois de prison ferme par le tribunal de première instance de Constantine. En déplacement en Turquie et n'ayant n'avait pas reçu de citation à comparaître, Ali Djerri a été jugé par défaut. Il avait d'ailleurs été convoqué le même jour au tribunal d'Alger, pour une autre plainte en diffamation, déposée par le ministère de la Justice. Cette affaire a été renvoyée au 6 juillet.
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Updated on 20.01.2016