La presse étrangère sous étroite surveillance quatre semaines avant l'élection présidentielle
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Reporters sans frontières met en garde le gouvernement ougandais contre le durcissement de son comportement envers les journalistes couvrant l'élection présidentielle du 23 février 2006, et dénonce particulièrement les dernières mesures coercitives prises par les autorités à l'encontre de la presse étrangère.
« Si rien n'est fait pour permettre à la presse de travailler sereinement, le scrutin qui doit se tenir dans quatre semaines se déroulera dans un climat d'intimidation, a déclaré Reporters sans frontières. S'il ne veut pas que l'on puisse dire que l'élection n'a été ni libre, ni juste, ni transparente, le gouvernement ougandais devrait prendre sérieusement en compte notre appel à un changement d'attitude. Le Centre des médias, récemment mis en place pour surveiller et punir la presse étrangère, n'a aucune légitimité et doit être dissous. »
Le 3 janvier 2006, les correspondants de la presse étrangère travaillant à Kampala ont été convoqués au Centre des médias, un organisme récemment institué par le gouvernement, pour un réexamen de leur accréditation. Celle-ci leur avait été délivrée par le Conseil des médias, l'organe de régulation de la presse. Le Centre des médias, présidé par un ancien avocat et éditorialiste du quotidien progouvernemental The New Vision, Robert Kabushenga, et dont le personnel compte deux membres des services de renseignements, est étroitement contrôlé par le pouvoir. Dans un premier temps, ordre a été donné à tous les correspondants de ne pas s'éloigner à plus de 100 kilomètres de la capitale sans autorisation expresse du Centre des médias.
Le 9 janvier, Robert Kabushenga a déclaré à Will Ross, correspondant en Ouganda de la British Broadcasting Corporation (BBC), qu'il « n'était pas content de sa couverture de l'actualité ougandaise », ce que le journaliste a expliqué au quotidien indépendant The Daily Monitor. « On m'a dit que la reconduction de mon accréditation dépendrait de ma façon de faire des reportages à l'avenir. » Quelques jours plus tard, Will Ross a vu la durée de son accréditation réduite de un an à quatre mois. Pour la BBC, il avait notamment rendu compte, en décembre 2005, de la mort de sept civils à Lalogi, un camp de réfugiés d'une région troublée du nord de l'Ouganda. Dans le même temps, la nouvelle accréditation de Blake Lambert, correspondant des quotidiens indépendants Washington Times et Christian Science Monitor, ainsi que de l'hebdomadaire The Economist, ne lui a toujours pas été délivrée. Le journaliste, de nationalité canadienne, participe régulièrement aux célèbres talk-shows de la station de radio indépendante KFM, appartenant au même groupe de presse que le quotidien The Daily Monitor, régulièrement harcelé par les autorités. Un journaliste étranger, sous couvert de l'anonymat, a affirmé avoir reçu un appel téléphonique de menaces de Robert Kabushenga, qui lui aurait lancé : « Vous voulez la guerre ? Je vous ferai la guerre ! »
Le 19 janvier, le ministre de l'Information, James Nsaba Buturo, a pris la défense du Centre des médias et qualifié la presse étrangère d'« inquiétude pour la sécurité ». Selon lui, l'institution présidée par Robert Kabushenga est destinée à « aider » le Conseil des médias à prendre des décisions. « Quelques personnes entrent dans le pays avec d'autres intentions », a-t-il déclaré lors d'un point de presse. « Nous faisons cela dans l'intérêt du peuple ougandais, a-t-il conclu. Nous sommes au pouvoir, nous sommes le gouvernement d'aujourd'hui et nous sommes satisfaits par ce type d'arrangement. »
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20.01.2016