C’est une nouvelle pour le moins inquiétante que révèle le
Times ce 25 novembre 2014. La police britannique (Metropolitan Police Service) se serait procurée, en mars dernier, l’ensemble des ‘fadettes’ (factures détaillées) détaillant les appels passés entre 2005 et 2007 par 1 757 employés de News UK, la société éditrice du
Times, du
Sunday Times et du
Sun.
Cette transmission massive de données aurait pour origine une “erreur humaine”, selon Vodafone UK, l’opérateur téléphonique qui a transmis ces informations. En octobre 2013, la police britannique enquêtait sur des soupçons de corruption d’officiels britanniques par des journalistes du groupe News International - renommé News UK suite
au scandale des écoutes de News of the World. Elle avait alors fait alors la demande auprès de Vodafone, comme l’y autorise le Regulation of Investigatory Powers Act (Ripa), d’obtenir les relevés d’appels téléphoniques d’un journaliste.
Mais Vodafone UK a transmis bien plus aux officiers de l’
opération Elveden en charge de l’enquête. Une erreur grave, qui aurait néanmoins pu être réparée en supprimant immédiatement les données et en avertissant l’opérateur et le groupe de presse. Seulement, la police britannique a mis trois longs mois à avertir Vodaphone et News UK de l’erreur qui avait été commise. Entre-temps, ces données, qui exposent gravement le secret des sources de nombreux journalistes, ont pu être consultées par la police.
Sean O’Neill, journaliste au
Times, estime que la “
Metropolitan Police a analysé ces données”, ne les retournant à Vodafone que sept mois après les avoir reçues, et ce malgré des “
demandes répétées” de l’opérateur. La police britannique a reconnu la sensibilité des données et a annoncé qu’elles ne seraient utilisées que dans des affaires impliquant des personnes déjà inculpées.
Au moment où une nouvelle loi anti-terrorisme est en préparation, cette nouvelle affaire montre le manque de contrôle des interceptions légales décidées par Scotland Yard, dont les pouvoirs dans ce domaine sont seulement contrebalancés par une simple instance consultative. Or, le nouveau dispositif légal renforcera encore un peu plus les pouvoirs de la police. A l’origine du projet de loi, Theresa May, secrétaire d'État à l'Intérieur du Royaume-Uni, a regretté lors d’une conférence de presse tenue ce 24 novembre qu’une majorité parlementaire ne se dégage pas pour permettre un renforcement conséquent de la capacité des autorités pour l’interception des communications. Des déclarations loin des préoccupations de la société civile en matière de respect de la vie privée et du secret des sources des journalistes. Une question de temps, selon elle.
Sur un autre terrain, six journalistes britanniques ont porté plainte contre la Metropolitan Police. Leurs faits et gestes sont répertoriés dans une base de données alimentées par les policiers de la National Domestic Extremists and Disorder Intelligence Unit (NDEDIU). Il semble que cette unité de police, qui surveille les extrémistes religieux et politiques, ait affecté des moyens de surveillance physique pour documenter les allers et venues de certains journalistes. “
J’ai été surveillé pendant que je couvrais des évènements en tant que journaliste”, a déclaré à la BBC Mark Thomas, l’un des six journalistes qui a porté plainte contre Scotland Yard. La National Union of Journalists (NUJ), avait lancé un appel en octobre dernier pour que l’ensemble de la profession demande à Scotland Yard, en vertu du Data Protection Act, de leur fournir les données personnelles de ces six journalistes stockées par la police britannique.
Le Royaume-Uni est classé 33ème sur 180 pays au
Classement mondial de la liberté de la presse 2014 publié par Reporters sans frontières.