La mort du photographe japonais Kenji Nagai toujours impunie six ans après
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Le 27 septembre 2007, le photographe japonais Kenji Nagai tombait sous les balles des militaires de la junte au pouvoir. Six ans plus tard, en dépit des gestes d’ouverture et de la fin de la dictature, ce meurtre est toujours impuni.
Reporters sans frontières n’a pas oublié cette tragédie et réitère son appel lancé au président Thein Sein en juillet 2013.
“Lors de la venue du chef d’Etat birman en France, nous avons expressément sollicité la mise en place d’une commission d’enquête dédiée à la lutte contre l’impunité des crimes à l’encontre des acteurs de l’information depuis 1962. Nous demandons l’ouverture d’une enquête sur le meurtre de Kenji Nagai, comme premier pas vers la reconnaissance des nombreux crimes contre les acteurs de l’information. Nous demandons que tout soit mis en œuvre pour que la caméra récupérée par des soldats sur la dépouille du journaliste, puisse être restituée à sa famille” a déclaré l’organisation.
“Lors de sa visite dans les bureaux de Reporters sans frontières en juillet dernier, le vice-ministre de l’Information, U Ye Htut, avait affirmé que le moment n’était pas encore venu pour le gouvernement de se pencher sur le passé douloureux de la Birmanie. Mais l’appel des étudiants de la génération 88, le 8 août dernier, lors de la commémoration de la répression sanglante perpétrée par la junte militaire il y a vingt-cinq ans, à la reconnaissance des crimes commis contre plus de 3 000 citoyens birmans, démontre le besoin urgent pour la population que s’amorce un véritable travail de mémoire.”
"Nous saluons les progrès réalisés par le gouvernement au cours des deux dernières années. Mais seule la volonté affichée de résoudre les crimes passés commis sur les journalistes pourra contribuer à rendre crédibles ses efforts en matière de liberté de l’information”, a conclu Reporters sans frontières.
Le 27 septembre 2007, durant la révolution de Safran le reporter de l’agence de presse japonaise APF, Kenji Nagai, présent au cœur de la foule, caméra à la main, a été abattu à bout portant par un soldat dans une rue de Rangoun. Un médecin de l’ambassade du Japon a plus tard confirmé que la balle qui avait tué le journaliste avait touché son cœur après être entrée par la poitrine, prouvant ainsi qu’il avait été tué de face. Un ancien collègue de Kenji Nagai, Tsutomu Harigaya, avait confié avoir cherché, avec d’autres collègues, à récupérer la caméra vidéo du journaliste "pour rendre un dernier hommage au travail courageux de Kenji Nagai". Un document vidéo, tourné par des vidéo journalistes birmans et diffusé par les médias japonais en 2007, avait montré que la caméra, de marque Sony, avait été récupérée par un militaire sur la dépouille du journaliste. Alors que le président Thein Sein clame haut et fort la fin de la junte militaire et l’ouverture au monde de son pays, et que des progrès ont été fait dans le domaine de la diffusion de l’information, de nombreuses ombres au tableau persistent, notamment l’impunité du crime de Kenji Nagai et la non restitution de son matériel.
Le cas du photographe japonais n’est pas isolé. En mai 1991, Ne Win, correspondant du journal japonais Asahi Shimbun, emprisonné depuis le 24 octobre 1990, succombait à l’hôpital, officiellement d’une cirrhose du foie. En juin 1991, août 1998 et septembre 1999, Ba Thaw (dont le pseudonyme était Maung Thaw Ka), dessinateur de presse, Saw Win rédacteur en chef du quotidien Botahtaung, et Thar Win, un photographe travaillant pour le journal gouvernemental Kyemon mouraient dans les prisons birmanes. En mai 2003, le photographe Tin Maung Oo, qui travaillait régulièrement pour la Ligue nationale pour la démocratie (LND), est décédé suite à de violents coups portés à la tête par des supplétifs de l’armée alors qu’il couvrait une attaque contre le convoi d’Aung San Suu Kyi, à Depayin.
En 2013, la Birmanie a gagné 18 places au classement de la liberté de la presse, et se positionne au 151ème rang sur 179.
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Updated on
20.01.2016