Pour dénoncer ces pays qui contrôlent ce qui devrait être un espace de liberté, Reporters sans frontières lance ses "24h contre la censure sur Internet".
La cybermanif est également accessible sur un
site miroir, pour les internautes qui ne peuvent accéder à www.rsf.org
LA LISTE DES 13 ENNEMIS D'INTERNET
Trois pays ont été retirés, cette année, de la liste des ennemis d'Internet : le Népal, les Maldives et la Libye. En revanche, l'Egypte, où de nombreux blogueurs ont été harcelés et emprisonnés cette année, fait son entrée au palmarès des pays enfreignant systématiquement la liberté d'expression sur Internet.
Les pays (par ordre alphabétique)
- ARABIE SAOUDITE
L'Arabie saoudite ne se cache pas de censurer le Réseau. Contrairement à la Chine, où les blocages de sites sont déguisés en problèmes techniques, les filtres saoudiens indiquent clairement aux internautes que certaines pages Web sont interdites par les autorités. La censure se concentre sur les contenus pornographiques, mais elle touche également les sites de l'opposition politique, les publications israéliennes ou celles traitant de l'homosexualité. Les blogs posent également problème aux censeurs saoudiens. En 2005, ces derniers ont tenté de bloquer complètement l'accès au principal outil de blog du pays, blogger.com. Ils sont revenus quelques jours plus tard sur cette décision et bloquent aujourd'hui uniquement les blogs qui les dérangent. Par exemple, en juin 2006, ils ont ajouté à leur liste noire le journal intime de "Saudi Eve", une jeune femme qui osait parler de sa vie amoureuse et critiquer la politique de censure du gouvernement.
- BELARUS
Le gouvernement, qui possède un monopole sur les télécoms du pays, n'hésite pas à bloquer l'accès aux sites d'opposition lorsqu'il le juge nécessaire, notamment en période électorale. Les publications indépendantes sont par ailleurs régulièrement victimes d'attaques informatiques. Ainsi, en mars 2006, plusieurs sites critiques de l'actuel chef de l'Etat, Alexandre Loukashenko, ont mystérieusement disparu de la Toile pendant plusieurs jours.
- BIRMANIE
La politique de l'Etat birman en matière d'Internet est encore plus répressive que celle de ses voisins chinois et vietnamiens. La junte au pouvoir filtre bien sûr les sites d'opposition. Elle surveille surtout très étroitement les cybercafés, dont les ordinateurs prennent automatiquement des captures d'écran, toutes les cinq minutes, afin de surveiller l'activité des internautes. En juin 2006, les autorités s'en sont prises aux services de téléphonie et de chat sur Internet, bloquant par exemple l'accès à Gtalk de Google. L'objectif est double : d'une part préserver le juteux marché des télécommunications longues distances jusque-là contrôlé par des entreprises d'Etat ; d'autre part écarter les cyberdissidents de ce moyen de communication difficile à mettre sur écoute.
- CHINE
La Chine reste sans conteste le pays le plus avancé en matière de filtrage d'Internet. Les autorités suivent avec attention les évolutions technologiques pour s'assurer qu'aucune n'ouvre une nouvelle fenêtre de libre expression. Ainsi, après les sites Internet et les forums de discussion, les autorités se concentrent aujourd'hui sur les blogs et les sites permettant l'échange de vidéos. Le pays compterait aujourd'hui près de 17 millions de blogueurs. Un chiffre énorme, certes, mais très peu d'entre eux osent aborder des sujets sensibles, encore moins critiquer la politique du gouvernement. Tout d'abord parce que les outils de blogs du pays incluent tous des filtres qui bloquent les mots clefs "subversifs". Ensuite parce que les entreprises qui exploitent ces services, qu'elles soient locales ou étrangères, sont mises sous pression par les autorités, qui leur imposent de contrôler les contenus qu'elles hébergent. Des armées de modérateurs travaillent donc, au sein de ces sociétés, pour assainir les contenus produits par les blogueurs. Enfin, dans un pays où 52 personnes sont en prison pour s'être exprimées trop librement sur Internet, l'autocensure fonctionne à plein régime. Il y a encore cinq ans, beaucoup pensaient qu'Internet, média libre prétendument incontrôlable, allait révolutionner la société chinoise et son système politique. Aujourd'hui, alors que ce pays dispose d'une influence géopolitique croissante, la question semble s'être inversée : c'est peut-être le modèle chinois d'Internet, basé sur la censure et la surveillance, qui pourrait un jour s'imposer au reste du monde.
- COREE DU NORD
La Corée du nord reste, comme en 2005, le pire trou noir d'Internet dans le monde. Seuls quelques fonctionnaires accèdent au Réseau à travers des connexions louées à la Chine. Le nom de domaine du pays, le .nk, n'a toujours pas été lancé et les quelques sites mis en place par le gouvernement nord-coréen sont hébergés au Japon ou en Corée du Sud. Dans un pays aujourd'hui capable de fabriquer des ogives nucléaires, difficile de croire que ce retard en matière d'Internet soit le simple résultat de difficultés économiques. Les journalistes nord-coréens exilés en Corée du Sud sont en revanche très actifs sur la Toile, via notamment le site d'informations www.dailynk.com.
- CUBA
Avec moins de deux internautes pour 100 habitants, Cuba figure parmi les pays les plus en retard en matière d'Internet. Une enquête menée par Reporters sans frontières en octobre dernier a révélé que le gouvernement cubain utilise plusieurs leviers pour s'assurer que ce média n'est pas utilisé de manière "contre-révolutionnaire". Tout d'abord, il a peu ou prou interdit les connexions privées au Réseau. Pour surfer ou consulter leurs e-mails, les Cubains doivent donc obligatoirement passer par des points d'accès publics (cybercafés, universités, "clubs informatiques pour la jeunesse", etc), où il est plus facile de surveiller leur activité. Ensuite, la police cubaine a installé, sur tous les ordinateurs des cybercafés et des grands hôtels, des logiciels qui déclenchent un message d'alerte lorsque des mots clés "subversifs" sont repérés. Le régime s'assure par ailleurs que les opposants politiques et les journalistes indépendants n'accèdent pas à Internet. Pour ces derniers, communiquer avec l'étranger est un véritable chemin de croix. Enfin, le gouvernement mise sur l'autocensure. A Cuba, on peut être condamné à vingt ans de prison pour quelques articles "contre-révolutionnaires" publiés sur des sites étrangers et à cinq ans simplement pour s'être connecté au Net de manière illégale. Peu d'internautes osent défier la censure de l'Etat et prendre un tel risque.
- EGYPTE
Mis à part quelques sites liés aux mouvements religieux des Frères Musulmans, l'Egypte filtre peu le Réseau. Le Président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981, fait toutefois preuve d'un autoritarisme particulièrement inquiétant en matière d'Internet. Trois blogueurs ont été arrêtés en juin 2006, et emprisonnés pendant près de deux mois, pour s'être exprimés en faveur de réformes démocratiques dans le pays. D'autres sont victimes de harcèlement, comme la blogueuse copte Hala Helmi Botros, forcée en août de fermer sa publication sous la pression de la police. Enfin, une cour administrative du Conseil d'Etat a récemment décidé que les autorités pouvaient bloquer, suspendre ou fermer tout site Internet susceptible de représenter une menace pour la “sécurité nationale“. Une position inquiétante qui pourrait ouvrir la voie à une censure abusive de la Toile.
- IRAN
La répression à l'encontre des blogueurs semble avoir diminué en 2005. Alors qu'une vingtaine d'entre eux avaient été emprisonnés en 2006, seul Arash Sigarchi est encore aujourd'hui derrière les barreaux. Le filtrage du Réseau s'est par contre intensifié et l'Iran se targue aujourd'hui de filtrer 10 millions de sites "immoraux". Les sites pornographiques, politiques ou traitant de religion sont particulièrement visés. Mais, depuis l'été 2006, les censeurs semblent avoir concentré leurs efforts sur les publications traitant des droits des femmes. Les autorités ont par ailleurs récemment décidé d'interdire les connexions à haut débit. Une mesure qui peut s'expliquer par un souci de ne pas surcharger le réseau iranien, qui est de très mauvaise qualité, mais qui peut aussi s'interpréter comme une volonté de bloquer les produits culturels occidentaux - films et chansons - téléchargés sur le Net.
- OUZBEKISTAN
La censure exercée par les autorités s'est encore raidie depuis la répression sanglante des manifestations prodémocratiques d'Andijan, en mai 2005. Le gouvernement, dirigé d'une main de fer par le président Islam Karimov, bloque l'accès à la plupart des sites indépendants traitant de l'Ouzbékistan, souvent hébergés en Russie, ainsi qu'aux sites des ONG condamnant les atteintes aux droits de l'homme dans le pays.
- SYRIE
Avec trois personnes actuellement emprisonnées pour avoir critiqué les autorités sur Internet, la Syrie est la plus grande prison du Moyen-Orient pour les cyberdissidents. Ces derniers sont par ailleurs systématiquement torturés et détenus dans des conditions inhumaines. Le gouvernement interdit l'accès aux sites d'opposition en langue arabe et aux contenus relatifs à la minorité kurde de Syrie.
- TUNISIE
La Tunisie a eu l'honneur d'organiser, en novembre 2005, le Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI), grand événement onusien pour aborder l'avenir d'Internet. La politique du président Zine el-Abidine Ben Ali en matière de Réseau est pourtant l'une des plus liberticides de la planète. L'ensemble des cybercafés sont contrôlés par l'Etat. Ces derniers filtrent le Net et sont étroitement surveillés par la police. Impossible par exemple de se connecter en Tunisie au site de Reporters sans frontières. Les services de sécurité harcèlent en outre continuellement les blogueurs indépendants et les responsables de sites d'opposition, afin de s'assurer que l'autocensure règne sur le la Toile tunisienne. Un cyberdissident, l'avocat Mohammed Abbou, est emprisonné depuis mars 2005 pour un article critique envers le chef de l'Etat diffusé sur une newsletter.
- TURKMENISTAN
Avec moins d'un internaute pour 100 habitants, ce pays est l'un des moins connectés à la Toile de la planète. Le président Separmourad Niazov, véritable Kim Jong-il d'Asie centrale, exerce sur tous les médias un contrôle absolu. Le Web turkmène est censuré, bien sûr, mais il est surtout interdit à l'immense majorité de la population.
- VIET-NAM
Le gouvernement vietnamien, qui négocie l'entrée de son pays dans l'organisation mondiale du commerce, est actuellement dans une situation inconfortable. Il est mis sous pression par la communauté internationale et n'est pas en mesure, comme son voisin chinois, d'ignorer complètement les exigences des diplomates étrangers. Il semble donc enclin à assouplir son contrôle sur l'information et hésite en tout cas à réprimer les opposants. Ainsi, plusieurs cyberdissidents, notamment le plus célèbre d'entre eux, Pham Hong Son, ont été libérés depuis 2005. Cette relative clémence a semblé redonner du souffle au mouvement démocratique vietnamien, qui s'est admirablement saisi du Net pour s'organiser et faire passer dans le pays une information indépendante. A l'été 2006, un groupe dit des "8406" a même lancé une pétition en ligne, signée sous leur vrai nom par des centaines d'internautes, pour demander au gouvernement d'engager des réformes politiques. Mais la prise en main du Réseau par ces jeunes démocrates fait peur aux autorités. Et ces dernières ont encore souvent recours à la force pour faire taire ces cyberdissidents. Une dizaine de personnes ont été emprisonnées cette année pour des propos tenus sur Internet. Quatre d'entre elles sont encore derrière les barreaux.
LES PAYS QUI SORTENT DE LA LISTE
- LIBYE
Suite à une mission dans le pays, Reporters sans frontières a pu constater que l'Internet libyen n'était plus censuré. En outre, depuis la libération d'Abdel Razak Al Mansouri, en mars 2006, le pays ne compte plus aucun cyberdissident emprisonné. Le président Mouammar Kadhafi est cependant toujours considéré par Reporters sans frontières comme un prédateur de la liberté de la presse
- MALDIVES
Depuis les libérations de Fathimath Nisreen, Mohamed Zaki et Ahmad Didi, entre mai 2005 et février 2006, plus aucun cyberdissident n'est emprisonné dans le pays. Le président Maumoon Abdul Gayoom est toujours considéré par Reporters sans frontières comme un prédateur de la liberté de la presse, mais sa politique en matière d'Internet ne justifie plus de placer son pays sur la liste des ennemis d'Internet.
- NEPAL
Depuis le retrait du roi Gyanendra et le retour d'un gouvernement démocratique, en mai 2006, Reporters sans frontières a pu constater une très nette amélioration de la liberté d'expression dans le pays. Le Net n'y est plus censuré et aucun cas de harcèlement ou de détention
arbitraire de blogueur n'a été recensé.
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