La justice turque frappe une nouvelle fois

Reporters sans frontières dénonce la condamnation à presque 8 ans de prison de Vedat Yildiz, reporter de l’agence de presse Diha, et Lokman Dayan, du quotidien Güneydogu Ekspres, suite à leur présence lors d’une manifestation dans la ville d’Idil (province de Diyarkabir, sud-est du pays). Le 21 octobre 2008, les deux journalistes ont été arrêtés alors qu’ils couvraient une manifestation jugée illégale pour protester contre les « mauvais traitements » subis en prison par leader kurde Abdullah Ocalan. Un procès a été intenté le 19 mars 2009 par le parquet de Diyarbakir contre les journalistes et 23 manifestants. Le 24 février 2011, Yildiz et Dayan ont été condamnés à 6 ans et trois mois de prison pour « appartenance au PKK », 10 mois de prison pour « propagande du PKK » et 15 mois de prison pour « violation de la loi sur les conventions et rassemblements », soit un total de 7 ans et 11 mois de prison, commués en sursis. Le verdict rendu par la 4e chambre de la cour d’assises de Diyarbakir constitue une véritable manœuvre d’intimidation à l’égard des journalistes tentés de couvrir les sujets « tabous » de la République turque. Yildiz et Dayan ont été arrêtés alors même qu’ils exerçaient leur métier de journalistes et ont été jugés au même titre que les manifestants. Au regard des faits reprochés, la sentence est très lourde. Les deux journalistes ont en effet été accusés de ne pas avoir répondu à l’injonction des forces de l’ordre de se disperser. Le verdict est fondé sur le témoignage de six policiers, ce qui fait douter de son impartialité. Commuée en sursis, cette peine disproportionnée place pendant 5 ans les journalistes sous la menace de plusieurs années de prison s’ils venaient à être accusés de nouveau de faits similaires. L’effet d’intimidation reste plein et entier. De fait, Vedat Yildiz et Lokman Dayan ne pourront donc plus exercer pleinement leur activité journalistique. Une fois de plus, la Loi anti-terroriste dénoncée à plusieurs reprises par Reporters sans frontières est utilisée par la justice locale pour museler la presse. Enfin, nous condamnons fermement l’utilisation de la violence contre des journalistes. Blessé au cou, Vedat Yildiz a dû être hospitalisé suite à son arrestation Sa plainte contre les policiers a été suivie d’un non lieu. Une telle impunité ne peut être tolérée. Leur avocat Veysel Vesek a fait appel auprès de la cour de cassation. Reporters sans frontières se joint à lui pour dénoncer un verdict « qui montre l’impasse dans laquelle se trouve la justice turque ». Nous exigeons que le prochain jugement rendu prenne en compte toutes les irrégularités signalées. La Turquie occupe la 138e place sur 178 du classement mondial de la liberté de la presse. Ce verdict intervient dans un contexte de tension renouvelée dans les provinces de l’est du pays, suite à l’abandon de la politique gouvernementale d' "ouverture kurde" et à la reprise des combats avec le PKK.
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Updated on 20.01.2016