La guerre du régime contre les médias étrangers continue

Reporters sans frontières condamne l’attaque ciblée du régime iranien contre le service en persan de BBC-Television. Le 16 septembre 2011, suite à la diffusion d’un documentaire sur le Guide suprême de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Khamenei, les programmes de la chaîne ont été brouillés. Le lendemain, les médias proches du pouvoir ont annoncé l’« arrestation de plusieurs collaborateurs de la BBC en Iran ». Dans une déclaration à l’agence officielle ISNA, Seyed Mohammad Hosseini, ministre de la Culture et de l’Orientation islamique, a confirmé, le 19 septembre, cette arrestation : « Ils sont accusés de collaboration avec la chaîne de télévision de la BBC en persan. Mais j'attends davantage de détails de la part du ministre des Renseignements ». Le 20 septembre, le ministère des Renseignements a également confirmé l’information. Dans un communiqué publié le 19 septembre, la chaîne britannique a démenti « que les six réalisateurs iraniens arrêtés ce week-end en Iran et accusés de collaborer illégalement avec le service en persan de la BBC-Television, fassent partie de son personnel. » « Nous déplorons cette nouvelle atteinte aux droits de l’homme. Les autorités de Téhéran conjuguent tous les moyens pour interdire la présence des correspondants des médias étrangers en Iran et bloquer la diffusion des programmes des radios et télévisions étrangères en persan vers l’Iran. Par ailleurs, les chaînes satellitaires diffusées en Iran sont régulièrement brouillées. La BBC a officiellement protesté à plusieurs reprises contre « les ondes envoyées par l’Iran » afin de parasiter la diffusion de ses programmes. De nombreux correspondants de médias internationaux n’ont pas obtenu la prolongation de leur visa et ont dû quitter le pays, comme cela a été le cas pour l’AFP, la BBC ou El Pais. Avec près de 29 journalistes emprisonnés, l’Iran fait partie des principaux prédateurs de la liberté d’expression au monde », a déclaré Reporters sans frontières. Le documentaire de la BBC, diffusé le 16 septembre dernier, revenait sur les manifestations qui ont suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la République islamique en juin 2009. Il montre également la vie de l’ayatollah Khamenei, ses collaborateurs, son accession au pouvoir, ainsi que son rôle dans la répression des réformateurs et des médias en Iran, avec plusieurs interviews réalisées avec des personnalités aujourd’hui en exil. En Iran, comme dans beaucoup de pays totalitaires, parler du Guide suprême est interdit. Même l’agence Agence France-Presse à Téhéran, dans sa dépêche relative à l’arrestation des réalisateurs, n’a pas évoqué la diffusion de ce documentaire de la BBC. Par ailleurs, les médias iraniens n’ont pas publié le nom complet des « accusés », se contentant de leurs initiales. Reporters sans frontières n’est pas en mesure de confirmer aujourd’hui ni le nombre exact ni l’identité des personnes arrêtées. Selon nos informations, les chiffres avancés par les autorités sont en deçà de la réalité. Si la Constitution iranienne n’autorise aucune station de radio ou chaîne de télévision à opérer en dehors du contrôle de l’Etat, aucune loi n’interdit aux journalistes de collaborer avec les médias étrangers et leurs correspondants. Toutefois, en décembre 2008, l’ancien ministre de la Culture et de l’Orientation islamique, Mohammad Hossein Safar-Harandi, a interdit la nouvelle chaîne de télévision en persan de la BBC, ainsi que toute collaboration des journalistes iraniens avec les médias étrangers. Le 4 janvier 2010, le ministère des Renseignements a déclaré que : “Plusieurs agents venus des pays étrangers ont été arrêtés avec leur caméras et appareils photo.” Le ministère a publié la liste de soixante ONG et médias considérés comme ayant incité à participer aux émeutes. Sur cette liste, figurent la chaîne britannique BBC (notamment son service en persan) et la chaîne américaine Voice of America. Le 20 décembre 2009, l’émission télévisée de la BBC consacrée à l’ayatollah Hossein Ali Montazeri a été brouillée, peu de temps après le début de sa diffusion. Le programme interdit incluait une interview exclusive accordée par l’ayatollah à la BBC, enregistrée peu de temps avant sa mort. C’était la première fois, en plus de vingt ans, que l’ayatollah Montazeri apparaissait à la télévision. Le 28 décembre 2009, le journaliste et défenseur des droits de l’homme, Emadoldin Baghi, a été arrêté pour avoir interviewé l’ayatollah dissident. Il a été libéré le juin 2011 en attendant de son jugement. Mazyar Khosravi, rédacteur en chef du site d’informations Hammihannews (http://hammihannews.com/news/9857 ), a été arrêté le 2 mai 2010 à Téhéran pour « publication de fausses informations », accusé d’avoir posté des témoignages et des reportages montrant les attaques des miliciens islamistes bassidjis contre le campus de l’université de Téhéran le 14 juin 2009, deux jours après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad. Plusieurs étudiants avaient alors été gravement blessés et, selon certaines sources, cinq étudiants auraient été tués. Le reportage avait été diffusé par le BBC. Le journaliste a été libéré après un mois de détention. Il est actuellement en attente de son jugement. Par ailleurs, Reporters sans frontières dénonce la répression du régime contre les artistes et cinéastes iraniens. Au cours des deux dernières années, plusieurs réalisateurs ont été arrêtés et condamnés. Si le cas de Jafar Panhai a été tristement rendu célèbre, plusieurs anonymes sont toujours sous la pression dans une cellule de la prison d’Evin ou ont été libérés mais sont sous la menace, surveillées en permanence.
Publié le
Updated on 20.01.2016